Introduction à une histoire du mouvement lesbien en France

mardi 4 septembre 2012
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Introduction à une histoire du mouvement lesbien en France

Brigitte BOUCHERON [1]

Nous partons pour le survol de presque 40 ans d’histoire, puisque Mai 68 a été notre big bang. Car nous sommes, avec le Mouvement de libération des femmes, un des nombreux bienfaits de Mai 68…

Il s’agira seulement ici d’établir, à la lumière parfois de ma propre histoire, les principaux jalons du mouvement lesbien en France, une relation exhaustive dudit mouvement restant à faire. Souhaitons que les chercheuses, dans et hors institution, explorent notre histoire récente, les archives existent et nous sommes vivantes pour témoigner.

D’où venons-nous ?

En rédigeant le résumé de cette intervention, j’ai tout à coup mesuré le pas de géante que représente l’apparition dans le paysage humain de cette chose inconcevable qu’on appelle maintenant le mouvement lesbien. Voilà que s’exprimaient, et accusaient et se moquaient et analysaient collectivement, ces êtres jusque-là invisibles, muettes, non-sujets, avec comme seul bagage quelques figures mythiques (Sappho, Renée Vivien, Nathalie Barney…), quelques livres [2] et films [3] et de rares chanteuses [4] au message « subliminal ». Isolées, dissimulées dans les hautes herbes de l’hétérosocialité, elles étaient tout juste bonnes à être pornographiées en littérature et au cinéma pour jouer les faire-valoir de la seule « véritable » sexualité, la sexualité masculine. Vouées à la honte et donc aux amours malheureuses, certaines étaient livrées aux stigmates terrifiants d’une chose appelée vice dont on mesure mal les ravages – particulièrement chez les lesbiennes [5] élevées dans l’idéologie catholique pure et dure : toutes les vies détruites ou « retardées » que j’ai eu à connaître l’ont été (et le sont toujours) par cette idéologie. Je parle de ce que je connais, mais j’ai bien peur que les ravages soient les mêmes quelle que soit la « religion », laïque ou non. Et je me réjouis tous les jours d’être née dans une famille sans autre foi que celle du bonheur possible.

68 + MLF, mes amours

Pourquoi dans la seconde vague du féminisme, à partir des années 1970, les lesbiennes ont-elles pu apparaître et s’exprimer, alors que leur invisibilité est criante durant la première vague, au 19e et au début du 20e siècle ? Parce que 68 et parce que le MLF [6]. Il ne s’agissait pas en 68 de revendiquer des droits, mais de changer la vie, de tout remettre en question, de détruire tous les rapports de domination, tout ce qui prétend empêcher d’être, et dans tous les domaines dont, bien sûr, la sexualité. Pour beaucoup de femmes et de lesbiennes, 68 a été le temps de la parole libératoire. Les mots libération et révolution étaient les maîtres mots, bien davantage qu’égalité ou droits. Autres maîtres mots, spécifiques au MLF : sororité, amour des femmes (en réaction à la misogynie, ciment-pierre de la domination masculine).

Pour la première fois, l’histoire offrait aux lesbiennes l’occasion de devenir sujet. Il n’est donc pas étonnant qu’elles aient investi massivement le MLF qui offrait à leur révolte, et de femmes et de lesbiennes, une chance d’expression, grâce, entre autres, à la non-mixité, dont on ne dira jamais assez le caractère fondamental, car elle a permis l’émergence d’une reconnaissance, d’une pratique, d’une parole, d’une pensée collectives, elle a permis aux femmes et aux lesbiennes l’acquisition de l’indépendance, bien exprimée par ce slogan du groupe Psychanalyse et Politique : « Indépendance érotique, indépendance économique, indépendance politique ».

Les lesbiennes ont entendu et appliqué à 100 % les célèbres slogans féministes : « Le privé est politique », « Notre corps nous appartient ».

On sait maintenant que les lesbiennes étaient nombreuses et actives en tant que telles dans les tout premiers groupes du MLF à Paris. En témoigne le choix d’une des premières manifestations publiques du MLF : le chahut, salle Pleyel à Paris, le 10 mars 1971, de l’émission de Ménie Grégoire, célèbre animatrice de radio, dont le thème était ce jour-là : L’homosexualité, ce douloureux problème. L’émission est interrompue et Ménie Grégoire s’enfuit sous les cris de « À bas les hétéroflics ! ».

On sait maintenant combien les lesbiennes ont été nombreuses dans les groupes du MLF qui se sont formés spontanément partout en France, on connaît aussi l’importance de l’apport théorique au féminisme des chercheuses lesbiennes (Michèle Causse, Christine Delphy, Colette Guillaumin, Nicole-Claude Mathieu, Claire Michard, Hélène Rouch [7], Monique Wittig…).

Les lesbiennes étaient partout, et bien sûr lors de la première apparition publique du MLF, ce fameux 26 août 1970 à l’Arc de Triomphe à Paris où une poignée [8] d’intrépides insolentes furent embarquées dans un panier à salade après avoir tenté de déposer une gerbe à la mémoire de la femme du soldat inconnu.

Si l’hétérocentrisme était dominant au MLF, la parole lesbienne s’est exprimée dès les premières parutions et homosexuelles et féministes en 1971 : en avril, dans le n° 12 de Tout !, journal du groupe mixte maoïste Vive la révolution ; en mai, dès le premier numéro du Torchon brûle, journal du MLF. La page de couverture du n° 1 comporte cette bulle : « Et puis merde ! J’aime les femmes », et dans chacun des 6 n° du Torchon brûle, qui paraît jusqu’en 1973, il y aura des textes lesbiens.

En 1972, un tract des Gouines rouges (voir plus bas) parlait bien d’oppression à l’intérieur du MLF : « Chaque fois que vous dites “nos mecs”, une lesbienne la boucle. » « Ce n’est pas l’hétérosexualité qui nous opprime. C’est vous. Et comme on vous aime, on vous a intériorisées… On a toutes une hétéroflic-mère de famille dans la tête ! » Cela dit, le fait que les hétérosexuelles étaient objectivement en lien étroit avec « l’oppresseur » suscita chez certaines d’entre elles malaise, voire culpabilité et le sentiment que les lesbiennes étaient l’avant-garde du féminisme, voire son summum – « Le féminisme est la théorie, le lesbianisme est la pratique (Ti-Grace Atkinson). Certaines tentèrent même ladite pratique avec plus ou moins de bonheur… Mais, dans l’ensemble, les féministes ne renvoyèrent pas l’ascenseur aux lesbiennes et l’on n’entendit jamais dans les manifs : « Nous sommes toutes des lesbiennes ! » Dommage…

Première époque –les années 70– avec les féministes, le temps de l’analyse et de l’acquisition de la légitimité

Pourquoi avec les féministes et non avec les gais ? Parce que les lesbiennes qui se sont investies dans le MLF étaient avant tout sensibles à la critique radicale des rôles sociaux et sexuels imposés aux femmes, rôles qu’elles-mêmes ne remplissaient évidemment pas. De plus, elles subissaient, en tant que femmes, les mêmes sujétions culturelles, politiques et sociales que les hétérosexuelles, la même misogynie. Ce qui faisait –et fait bien sûr encore– une considérable différence avec les hommes homosexuels. Elles étaient avant tout des femmes.

Les premiers groupes – le FHAR et les Gouines rouges

À partir de quand et comment des lesbiennes se sont-elles manifestées en tant que groupe spécifique ? L’immédiat après-68 est le théâtre d’un formidable foisonnement politique et intellectuel, partout en France. Les réunions succèdent aux réunions, souvent chez les unes et les autres. On passe d’un groupe éphémère à l’autre, rien n’est figé.
En 1970, à Paris, l’écrivaine Françoise d’Eaubonne, les militantes Anne-Marie Fauré et son amie Maryse décident de réunir les quelques rares lesbiennes d’Arcadie, unique et très respectable club privé « homophile » en France, qu’André Baudry a ouvert en 1957, après avoir créé la revue du même nom en 1954. À leur grand étonnement, une cinquantaine de lesbiennes se présentent. Mais elles sont vite priées de se réunir ailleurs car leur radicalisme effraie André Baudry. Françoise d’Eaubonne lui déclare : « Vous dites que la société doit intégrer les homosexuels, moi je dis que les homosexuels doivent désintégrer la société ! » Ce groupe devenu mixte –les hommes y sont minoritaires– participe au chahut, évoqué plus haut, de l’émission de Ménie Grégoire L’homosexualité, ce douloureux problèmeet se baptise FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire) en mars 1971.

Le FHAR publie en septembre 1971 un recueil de textes sous le titre Rapport contre la normalité, où figure un chapitre, « Les lesbiennes », dont un texte signé de l’initiale M., intitulé Quelques réflexions sur le lesbianisme comme position révolutionnaire, où l’hétérosexualité est mise sur le même plan, en tant qu’objet d’analyse, que l’homosexualité et la bisexualité. On y lit déjà que « l’hétérosexualité fait partie intégrante des rapports de domination du système », thèse qui sera développée, affinée, moins de dix ans plus tard, par Monique Wittig et les lesbiennes radicales.

Mais la majorité des textes portent sur l’homosexualité masculine. En fait, depuis avril, après le retentissement du n° 12 de Tout !, diffusé à environ 50 000 exemplaires, et où le FHAR apparaissait en pleine lumière, les hommes y étaient devenus largement majoritaires et les lesbiennes ne se retrouvaient plus dans ce qui s’y exprimait : prégnance du discours sur la jouissance et le sexe (masculin), jeux sans distance ni critique avec les stéréotypes de la féminité, misogynie, non-écoute : « Le FHAR, qui veut unir lesbiennes et pédés, reflète cependant dans sa composition l’oppression des femmes contre laquelle il entend aussi lutter », regrette l’Introduction du Rapport du FHAR.

Parallèlement, des réunions sur la sexualité ont lieu au sein du MLF : en 1970, autour d’Antoinette Fouque ; en février 1971, Margaret Stephenson (Namascar Shaktini) crée le groupe Les Polymorphes perverses ; en janvier 1971, des Féministes révolutionnaires, notamment Christine Delphy et Monique Wittig, forment un groupe de réflexion qui, dans un premier temps, est ouvert à « tout le monde », c’est-à-dire aux hétérosexuelles, et qui, quelques mois plus tard (vers avril ou mai), deviendra « non-mixte », ce qui suscite une forte contestation des hétérosexuelles qui se plaignent d’être exclues. Et c’est ce groupe qui, peu de temps après, prendra le nom de Gouines rouges [9], premier groupe lesbien qui se nomme en France. « Nous sommes une cinquantaine, une centaine peut-être, venues de tous les horizons et dont l’âge se situe entre vingt et trente-cinq ans. (…) Nous avons distribué des tracts à l’entrée des boîtes de femmes, à Pigalle, chez Moune, organisé une fête aux Halles en juin 1971 pour “fêter dans la joie le commencement de notre révolte, sortir de nos ghettos, vivre enfin notre amour au grand jour”, comme disait le tract [10]. Nous nous réunissions chez les unes et les autres, et un jour nous ne sommes plus revenues aux AG du FHAR. Le détour par le FHAR n’en a pas moins été un moment important de l’évolution de la problématique lesbianisme/féminisme en ce que du côté des lesbiennes il a scellé le choix de la non-mixité de manière quasi définitive » (Marie-Jo Bonnet, 1998).

En mai 1972, les Gouines rouges font acte de visibilité collective aux Journées de dénonciation des crimes contre les femmes à la Mutualité, organisées par le MLF et où, bien sûr, l’oppression des lesbiennes ne fait pas partie des thèmes prévus (avortement, viol, violences conjugales, travail domestique). Elles montent sur la scène, invitent les lesbiennes de la salle à les rejoindre, lisent leur tract au micro, intitulé « Femmes qui refusons les rôles d’épouse et de mère l’heure est venue – du fond du silence il nous faut parler », chantent « À bas l’ordre bourgeois et l’ordre patriarcal – À bas l’ordre hétéro et l’ordre capitalo – Amies prenons les armes contre l’ordre moral – ne soyons plus rivales – Aimons-nous entre femmes ».

« La formation de ce groupe de lesbiennes a été très contestée dans le MLF, raconte M.-J. Bonnet, mais on voulait faire un groupe d’homosexuelles en liaison avec le mouvement des femmes, mais autonomes. (…) Puis les réunions des Gouines rouges se sont espacées. Trop jeunes, inexpérimentées, privées de modèles identitaires, d’histoire et de culture propres, nous n’étions pas prêtes à affronter le regard extérieur pour nous affirmer ailleurs que dans le Mouvement de Libération des femmes. » Le groupe disparaît début 1973.

Les circonstances de la formation des Gouines rouges et leurs prises de position illustrent dès le début la situation des lesbiennes entre les féministes et les gais.

Rivière souterraine

Durant la décennie 70, et surtout à partir de 1976, des groupes de lesbiennes se créent à Paris et dans un certain nombre de villes en France, dans ou hors des groupes du MLF, mais toujours en lien avec lui [11]. Il existe plusieurs cas de figure : certaines créent un groupe lesbien visible et très actif à l’intérieur du groupe MLF auquel elles appartiennent, comme le Groupe de lesbiennes du Centre des femmes de Lyon en 1976 [12] ; d’autres créent des groupes autonomes : à Paris, le Front lesbien international (1974-1976), né au congrès féministe de Francfort, le Groupe des lesbiennes féministes (1975-1978), qui fabrique un journal (4 n°) ; le Groupe des lesbiennes de Paris (1977) qui fera 2 numéros de Quand les femmes s’aiment (voir note 18) ; à Aix-en-Provence, le Groupe femmes homosexuelles (mars 1978) ; toujours à Aix-en-Provence, le premier restaurant associatif féministe et non mixte : L’Invitée (22 décembre 1978-novembre 1984), avec débats, fêtes, spectacles, expos..., « pris en charge entièrement par des lesbiennes et fréquenté à 95 % par des lesbiennes bien qu’officiellement restau de femmes... Les actions du féminisme aixois étaient en grande partie initiées et portées par des lesbiennes. C’était plus “paritaire” à Marseille ! Mais ce que l’on retrouve de commun entre les deux pôles du féminisme provençal c’est la volonté de ne pas mettre en avant cette réalité lesbienne... Il faudra attendre 1980 et le lesbianisme radical pour que tout cela change enfin » (entretien avec Nicole Sirejean, du Groupe femmes homosexuelles d’Aix).

Il semble qu’il y ait une exception toulousaine, du moins je n’ai pas entendu parler d’un cas similaire. En effet, alors que des groupes lesbiens se créent en réaction à l’hétérocentrisme des groupes du MLF, à la Maison des femmes de Toulouse (1976-1982), ce sont les hétérosexuelles qui éprouvent le besoin de créer un groupe –les « hétérosexuelles momentanément satisfaites de leur sort »– et qui quitteront la Maison des femmes, laissant cette dernière aux féministes lesbiennes « dominantes ».

Pendant toute cette décennie 70, le lesbianisme a été dans le MLF [13] une rivière souterraine, inspiratrice de bien des actions, mais qui ne se nommait pas ou peu (même à la Maison des femmes de Toulouse, dont les militantes se sont toujours dites « du Mouvement de Libération des Femmes »). Et pourtant c’est à la Maison des femmes de Toulouse que j’ai acquis une bonne partie de ma culture lesbienne [14] et de ma connaissance des analyses du lesbianisme radical.

Pour la plupart des lesbiennes, l’acquisition de leur légitimité a eu besoin de ces années, à l’ombre du féminisme et grâce au féminisme.

C’est en effet durant ces premières années que les lesbiennes acquièrent les armes théoriques pour penser leur place dans la société. Les groupes et les lieux qui se créent, l’organisation de rencontres, leur donnent la possibilité de penser ensemble, d’analyser et de théoriser, de commencer à penser et à parler lesbien. Les moments de loisirs collectifs sont nombreux : repas, fêtes, week-ends. Les lesbiennes se socialisent, découvrent dans la jubilation le plaisir de « l’entre-femmes » et acquièrent sans en être toujours conscientes la légitimité qui va leur permettre de devenir visibles, de se constituer en mouvement et plus tard en groupe social à part entière.

La construction de cette légitimité a sans doute aussi bénéficié des actions menées par les GLH dont nous avions connaissance [15], des premiers films réalisés par des lesbiennes, des émissions de télévision qui commencent à aborder la question [16], de la parution de romans et d’essais [17], reflets des temps nouveaux, notamment aux éditions Des femmes [18], créées en 1973. Bientôt Jocelyne François recevra le prix Femina pour son roman Joue-nous "España" (Mercure de France, 1980), Geneviève Pastre publiera De l’amour lesbien (Horay, 1980) et Marie-Jo Bonnet Un choix sans équivoque, recherches historiques sur les relations amoureuses entre les femmes, XVIe-XXe siècle (Denoël, 1981).

Deuxième époque -fin des années 70-début des années 80– naissance du mouvement, toujours avec le féminisme mais sans les féministes

Un texte de Françoise Renaud, membre du MIEL (voir note 32), paru en octobre 1981 dans le n° 12 d’Homophonies, journal mixte du comité d’urgence anti-répression homosexuelle (CUARH), pose bien la situation : « … une dynamique existe, née d’une longue, patiente action militante. (…) nous ressentons comme vital le besoin de nous réunir afin de trouver notre terrain d’existence et d’action. Il faut que les lesbiennes deviennent une force politique, qu’elles apparaissent comme telle. (…) On a trop dit que les lesbiennes sont à la charnière du combat féministe et du combat homosexuel. Jusqu’à présent, cela a surtout signifié que nous en étions les laissées-pour-compte. »

L’affirmation lesbienne se traduit par plusieurs événements spécifiquement lesbiens de portée nationale : parution à diffusion nationale de journaux et d’une revue (Quand les femmes s’aiment [19], 1978, Désormais [20] 1979, Lesbia, 1982, Vlasta, 1983) ; rencontre [21] ; coordination des groupes [22], 1978 ; rencontres d’été, 1977, 79, 80, 81 [23], réunissant des centaines de lesbiennes militant pour la plupart dans le mouvement féministe. En 1980, une bonne délégation française assiste à Genève à la première conférence lesbienne internationale (organisée par ILIS–International Lesbian Information Service). Les lesbiennes « font mouvement » !

Le mouvement lesbien

Le début des années 80 est une période charnière dans la construction du mouvement lesbien. Les rencontres nationales, émotionnellement très fortes, font naître ou renforcent des envies de « terres de femmes » [24], de lieux et de pratiques spécifiquement lesbiennes. Les analyses des lesbiennes radicales circulent. On commence à entendre que le féminisme ne fait qu’accommoder le système patriarcal là où le lesbianisme le remet vraiment en cause, ce qui se résume abruptement par le célèbre : « hétéros collabos » du groupe radical Lesbiennes de Jussieu créé fin 1979.

La revue féministe radicale Questions féministes publie en février (n° 7) et mai (n° 8) 1980, deux textes fondateurs de Monique Wittig : « La pensée Straight » et « On ne naît pas femme ». On y parle de « traquer le cela-va-de-soi hétérosexuel », de « destruction de l’hétérosexualité comme système social basé sur l’oppression des femmes par les hommes ». On y lit des choses inouïes pour les oreilles de la lesbienne lambda : « … il serait impropre de dire que les lesbiennes vivent, s’associent, font l’amour avec des femmes car “femme” n’a de sens que dans les systèmes de pensée et les systèmes économiques hétérosexuels. Les lesbiennes ne sont pas des femmes. PS. N’est pas davantage une femme d’ailleurs toute femme qui n’est pas dans la dépendance personnelle d’un homme. » En 1981, dans le n° 1 de Nouvelles Questions féministes, paraît « La contrainte à l’hétérosexualité [25] et l’existence lesbienne » de l’Américaine Adrienne Rich. Ces analyses de l’hétérosexualité –cœur de l’oppression des femmes– et du féminisme –« atelier de réparation de moteurs hétéros » [26]– traversent le mouvement des femmes, mais leur onde de choc mettra parfois des années pour atteindre leurs destinataires, tant l’attachement des lesbiennes féministes au féminisme est grand : nous étions tellement, d’abord et avant tout, des femmes [27]

Quoi qu’il en soit, radicales ou non, les lesbiennes prennent leur indépendance.

Alors que le mouvement féministe est en perte de vitesse, pendant les premières années de la décennie 80, « le mouvement lesbien récupère le radicalisme et le dynamisme du mouvement des femmes » [28] et prend place sur l’échelle du temps : les Archives lesbiennes sont créées à Paris en 1983 [29].

Des scissions ont lieu [30], des lieux s’ouvrent, de réflexion et de convivialité [31], des groupes se créent, radicaux [32] et moins radicaux [33], ou déjà uniquement conviviaux [34]. Fin 1982, l’Agendienne, premier agenda lesbien (Paris), recense des groupes à Lille, Nantes, Nancy, Rennes, Grenoble, Marseille, Besançon, Rouen, Macon, Tours, et sept restaurants ou cafés dans les grandes villes.

Un autre signe de la présence lesbienne grandissante dans le paysage français des années 80 : le nombre de films [35] et d’ouvrages [36] qui paraissent sur le sujet lesbien augmente de manière significative par rapport aux années 70, donnant corps aux lesbiennes et répondant à la belle injonction de Monique Wittig : « Il nous faut dans un monde où nous n’existons que passées sous silence, au propre dans la réalité sociale, au figuré dans les livres, il nous faut donc, que cela nous plaise ou non, nous constituer nous-mêmes, sortir comme de nulle part, être nos propres légendes dans notre vie même, nous faire nous-mêmes, êtres de chair, aussi abstraites que des caractères de livre ou des images peintes » (Avant-note à La Passion de Djuna Barnes, 1982).

À partir de 1985, durant la « somnolence dépressive » [37] qui caractérise pour beaucoup de militantes les années qui ont suivi l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, le mouvement lesbien mûrit tranquillement. À la fin des années 80, un certain nombre de lieux voient le jour en France, qui prendront leur plein essor au cours des années 90 : La revue La Grimoire (1987) fabriquée à Albi, la plupart des maisons de vacances du Gers (quatre entre 1984 et 1987), le festival « Quand les lesbiennes se font du cinéma » à Paris (1988), Bagdam Cafée à Toulouse (1988), les éditions Geneviève Pastre à Paris (1989), première maison d’édition lesbienne en France (gpastre-editions.com). En 1989, les Archives lesbiennes publient le premier Annuaire des lieux, groupes et activités lesbiennes, féministes et homosexuelles, diffusé à plusieurs milliers d’exemplaires en France et en Europe.

En ces années 80, les féministes lesbiennes deviennent lesbiennes féministes, ajoutant à leur arc la corde lesbienne à la corde féministe. Elles sont enfin arrivées au plus près d’elles-mêmes.

IIIe époque -les années 90– l’ancrage dans le concret et dans la vie quotidienne -visibilité intérieure/visibilité extérieure– les lesbiennes deviennent un groupe social

Après le temps des élaborations théoriques et des groupes souvent éphémères des deux décennies précédentes, vient celui des réalisations à long terme et de la visibilité lesbienne dans la cité.

La première vague du mouvement lesbien du début des années 80, interrompue par l’entracte de l’après-81, est suivie d’une deuxième vague, avec la naissance, de 1990 à 1999, de plus de vingt associations qui entretiennent entre elles des liens étroits et dont les réalisations allient militantisme, culture lesbienne et convivialité. Ces associations se fédèrent en 1997 dans la Coordination Lesbienne Nationale (renommée en 2002 Coordination Lesbienne en France [38]) qui organise des rencontres nationales et bientôt s’engage auprès des féministes et du mouvement LGBT. Depuis sa création, la CLF mène également un travail d’information en direction de la société civile, des parlementaires et du gouvernement.

La décennie 90 voit également le développement sur tout le territoire d’une économie lesbienne : maisons d’édition, maisons de vacances, bars, restaurants, services divers, petits commerces, librairies par correspondance, premier service de rencontres sur Internet [39]g.

Les rencontres nationales permettent l’expression de réalités lesbiennes jusque-là non entendues/non entendables, notamment celles des lesbiennes « de couleur », celles des lesbiennes en situation de précarité ou subissant des violences au sein de leur couple. Le vieillissement de la génération pionnière fait naître des projets de maisons de vie commune pour lesbiennes âgées.

Les lesbiennes deviennent un groupe social spécifique qui tente de répondre à ses diverses réalités.

La multiplication des lieux, des rencontres et des pratiques pendant environ dix ans a permis, entre autres, la constitution de nombreux réseaux partout en France. Elle a permis aux lesbiennes non politisées de se « socialiser lesbien » plus facilement, notamment grâce aux fêtes organisées régulièrement (principale source de financement), d’acquérir une culture lesbienne (films, livres, chanteuses, plasticiennes…). Il s’agissait là d’assurer la première des visibilités, la visibilité intérieure, celle de l’existence lesbienne auprès des lesbiennes elles-mêmes.

Vers le milieu des années 90, un certain nombre d’associations, fortes d’elles-mêmes et de leurs réalisations, commencent à pratiquer une visibilité extérieure dans leur ville [40]. Il s’agit beaucoup plus d’affirmer l’existence lesbienne que de demander des droits, contrairement aux gais. Et pour cause : notre principal problème était et reste l’invisibilité. Ce qui explique en 2007 le thème de ce colloque et la bataille pour imposer le concept de lesbophobie menée principalement par la Coordination lesbienne, auprès des féministes, des associations LGBT et des institutions politiques, bataille qui se poursuit actuellement.

Toute cette militance, associative et commerciale, a permis d’élargir l’horizon des lesbiennes, leurs espaces de vie, elle a contribué à leur donner force, légitimité et références communes, à leur permettre de parler et de penser lesbien 24 heures sur 24.

Cette volonté de visibilité extérieure trouve un (faible) écho dans la société : à partir de 1995, la présence lesbienne s’accentue chez les éditeurs straight (quelques 200 parutions pour la décennie – en 1990 le prix Goncourt du premier roman avait été décerné à Hélène de Monferrand pour son roman Les amies d’Héloïse). La télévision consacre quelques rares émissions au sujet lesbien (entre une et trois par an). Quant au cinéma, un film par an en moyenne est distribué dans les salles entre 1995 et 1999. Le bilan est encore plus pauvre dans la presse écrite où à côté de textes indigents, voire affligeants, ne paraît qu’un (excellent) dossier coordonné par Christine Delphy, dans Politique, la revue en 1997.

IVe époque –les années 2000–le mouvement LGBT, les lesbiennes 1/4 de portion [41], le chaudron queer et les ladyfest

En 2007, un constat s’impose : la grande vague collective lesbienne en France issue du féminisme n’est plus. Depuis 1999, de nombreuses associations ont soit fermé leurs portes, soit restreint leurs activités ou n’ont plus qu’une adresse postale et un site internet. Ce qui a pour conséquences une raréfaction des lieux d’accueil et de socialisation pour les nouvelles arrivantes, et la perte de la mémoire et de la transmission de la culture lesbienne – les lieux pérennes étant irremplaçables pour la transmission car ils permettent des échanges au long cours, notamment intergénérationnels. Les nombreux et parfois excellents sites lesbiens sur Internet ne remplacent pas l’échange collectif in vivo.

Les décennies 1980-1990 ont été les décennies lesbiennes féministes, les années 2000 sont les années LGBT et queer, où les interrogations sur le genre brouillent les pistes pour le meilleur –avec les ladyfest [42] entre autres – ou pour le pire– avec le retour de la mixité et donc de l’hégémonie masculine. L’extraordinaire fécondité de la non-mixité rendue possible par le mouvement des femmes, antidote à la misogynie et outil indispensable pour construire, entre autres, le genre lesbien, ne fait pas partie de l’histoire, de la mémoire, de la vie de la plupart des lesbiennes, militantes ou non, des nouvelles générations. Le grand mouvement actuel où elles peuvent se socialiser est le mouvement LGBT où elles sont réduites à 1/4 de portion et où la mixité relève de l’impératif catégorique (dont la transgression expose parfois à des représailles : la domination masculine chez certains gays est très décomplexée [43])… Encore ont-elles la possibilité de parler lesbien dans les « réserves » que constituent les soirées spéciales femmes internées dans le programme des associations…

À la « gauche » du courant LGBT, chez les transpédégouines, le bouillonnement du chaudron queer est à l’œuvre. Les prises de position rejoignent celles du FHAR [44]. La réflexion et le jeu sur les genres se donnent à voir lors de festivals annuels où sont programmés films, concerts, expositions, performances, ateliers. À Toulouse, le programme du 3e festival XXYZ (février 2007), centré sur la prostitution et la pornographie, avait de quoi atterrer « la lesbienne féministe de plus de 50 ans », mais comportait quelques productions lesbiennes et femmes intéressantes dont un court métrage sur le viol (Hier soir de Marie Coulbaut) et un vrai faux porno lesbien (Tronçonne-moi baby !, PlouqueProd).

Les mouvements LGBT et queer en France sont dominés qu’on le veuille ou non par des problématiques, des valeurs, des jeux, un langage, des intérêts masculins : gay is dominant, malgré la bonne volonté et l’honnêteté intellectuelle de certains militants. Les jeunes lesbiennes sont d’autant plus coupées de leurs « racines » que cette dominance gay est relayée très efficacement par la misogynie inhérente à l’antiféminisme sociétal, donc dominant, auquel peu de jeunes lesbiennes résistent [45].

Mais depuis le début des années 2000, une nouvelle génération de lesbiennes politiques est à l’œuvre dont les réalisations sont encore mal connues de leurs aînées qui les attendaient pourtant avec impatience –il existe hélas une opacité intergénérationnelle qu’il est difficile de traverser. À Paris, après La Barbare (1999-2007) et Le groupe du 6 novembre (1999) [46], sont nées Les Furieuses Fallopes (2003) [47], Lesbiennes contre le racisme et la discrimination (2005) [48] et à Albi, l’association Air Libre (2005) [49]. Des squats femmes et lesbiennes naissent et renaissent, notamment à Grenoble (le dernier en date, La Dame de pique) et il existe un peu partout des groupes informels autour d’un projet, notamment l’organisation des festivals ladyfest, concept inventé par des musiciennes américaines en 2000, en réaction contre le machisme du milieu rock, et qui a essaimé partout dans le monde. Une cinquantaine de ladyfest ont déjà eu lieu sur presque tous les continents, du Brésil à l’Indonésie, et même en Pologne ! En France, à Nantes en 2003, à Toulouse en 2006, à Grenoble en 2007, la prochaine se tiendra à Bordeaux en avril 2008 [50]. Chaque ladyfest a sa couleur propre, selon les options de l’équipe organisatrice, mais la tonalité féministe est la base du festival et la non-mixité est bien présente. À Grenoble, outre les concerts et les films, étaient programmés des ateliers mixtes et non mixtes (pour les « êtres humains qui sont des femmes, des trans ou des lesbiennes ») sur les mécanismes du sexisme, le féminisme radical, le dégenrement, la réparation de vélo, la mécanique, l’aïkido, les règles douloureuses et les hormones, l’avortement, l’auto-examen gynéco, les sexualités lesbiennes, les femmes et le travail dans les métiers d’hommes, le hip-hop, et un désormais grand classique : la fabrication d’un gode… Et la fête de clôture était non mixte.

Excepté quelques « ratons laveurs » (la mixité, les trans, le hip-hop et la fabrication d’un gode), cette énumération est familière à mes oreilles de lesbienne féministe de + de 50 ans, d’autant plus qu’était prévue également une discussion transgénérationnelle avec un collectif de femmes de + de 50 ans…

Conclusion

Alors, c’est quoi aujourd’hui le mouvement lesbien en France ? Je serais tentée de répondre qu’il a vécu, du moins dans sa forme première, dans la mesure où les jeunes lesbiennes n’ont pas choisi de s’y investir. La rotation des générations est là, et pour les pionnières vient l’heure de jouer les « grands témoins » tout en continuant à œuvrer pour l’existence lesbienne selon leurs propres modalités.

Les différences politiques semblent de taille entre les anciennes et les nouvelles générations : le mariage et la maternité, considérés par les anciennes comme lieux privilégiés de l’aliénation et de l’enfermement des femmes, sont l’objet de tous les désirs pour nombre de nouvelles ; les pratiques sexuelles, non essentielles pour les unes, sont devenues centrales, du moins dans les discours, pour les autres ; la pornographie [51] et la prostitution, cercles majeurs de l’enfer hétérosocial pour les pionnières, sont désormais considérées comme des domaines de subversion (les mêmes films sur ces sujets sont programmés dans les festivals ladyfest et transpédégouines) ; la non-mixité, creuset de toutes les inventions et source de tant de plaisir et d’émotions dans les décennies précédentes, n’est assumée que partiellement.

Sexualité omniprésente, pornographie, prostitution… Audre Lorde [52] aurait-elle eu tort, qui disait : « On ne démolira jamais la maison du maître avec les outils du maître » ?

Spectatrice perplexe, j’avoue mon impatiente curiosité de voir comment les nouvelles lesbiennes ne vont pas manquer de retrouver leurs racines tout en accommodant à leur profit les quelques ingrédients récupérables du chaudron queer où je ne suis pas seule à voir le dernier avatar de la domination masculine. Un bémol : l’invisibilité extérieure/intérieure continue de marquer l’existence lesbienne ; les initiatives comme les ladyfest se déroulent souvent dans des lieux alternatifs et n’accèdent pas à la médiatisation (Arte a diffusé un reportage en mai 2006 sur la 2e ladyfest… de Varsovie). L’absence ou la faible communication intérieure, envers le mouvement des aînées notamment, évidemment inévitable dans un premier temps, est particulièrement frustrante.

Mais qu’importe, une nouvelle histoire est en marche. Rendez-vous dans quelques années…

Un grand merci à Devra Ajdelbaum, Isabelle Chéron, Natacha Chetcuti, Irène Corradin, Christine Delphy, Marie-Claude Flous, Jacqueline Julien, Nadine Laroche, Michèle Larrouy, Françoise Leclère, Nicole Sirejean, Suzette Triton, Barbara Wolman.

Sites cités ou consultés 

air-libre.org – arcl.free.fr – bagdam.org – coordinationlesbienne.org – festivalxxyz.canalblog.com – fuoricampo.net – furieuses.melanine.org – gpastre-editions.com – genevievepastre.blogspirit.com – labarbare.free.fr – ladyfest.org – ladyfestgrenoble – ladyfestbordeaux – ladyfestwien.org – michele-causse.com – moniquewittig.com – pantheresroses.org – tapages67.org
Documentation utilisée

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[1Son bel âge en a fait une collectionneuse des cofondations de grandes aventures : maison des femmes de Toulouse en 1976 – car elle était féministe (elle a hélas toujours de bonnes raisons de l’être) ; Bagdam Cafée en 1988, café convivial, culturel et politique lesbien – dont elle a assuré la programmation pendant 10 ans, contribuant avec l’équipe de Bagdam à faire connaître tout le “gotha” lesbien francophone et européen aux Toulousaines et Françaises, invitant les théoriciennes, artistes, auteures et militantes majeures du mouvement ; le Printemps lesbien de Toulouse (depuis 1996) avec, au fil des années, de multiples rencontres littéraires en librairie et une programmation de films à thématique lesbienne et féministe dans les salles de la ville.

Après la fermeture de Bagdam Cafée en 1999, elle repart avec son alter ego Jacqueline Julien vers les cofondations dans le cadre de Bagdam Espace lesbien : les colloques internationaux d’études lesbiennes (5 depuis 2000) et l’école lesbienne (2003-2005).

Correctrice d’édition, maquettiste et éditrice, elle fabrique avec Jacqueline Julien la revue Espace lesbien, réalise tout le matériel de diffusion de Bagdam et s’occupe du site www.bagdam.org. Son article “La visibilité lesbienne en France, it’s a long way…” est paru dans Lesbia Magazine (2005) et Espace lesbien (n° 4, 2005).

[2La série des Claudine, Le pur et l’impur, Les vrilles de la vigne de Colette, Le puits de solitude, Radclyffe Hall, 1928, trad. fr. 1932, Poussière, Rosamond Lehman, 1927. De l’après-guerre à 1968, une trentaine de romans paraissent en France, dont beaucoup, reflets de l’atmosphère ambiante de répression, donc de dissimulation et de culpabilité, voire de honte, sont des romans catastrophes : amour non partagé (Althia, Irène Monesi, 1957 ; Je jure de m’éblouir, Éveline Mahyère, 1958) ; aimée mystérieuse et dure qui fait souffrir (Le rempart des Béguines, Françoise Mallet-Joris, 1951) ; retour de l’une des amantes à l’hétérosexualité (Qui qu’en grogne, Nicole Louvier, 1953) ; mort de l’une des amantes (La lettre, Clarisse Francillon, 1958). Mais il y eut le merveilleux Olivia (Dorothy Bussy, 1949, trad. fr. 1951) et le « flamboiement Violette Leduc », notamment avec La bâtarde (1964) et Thérèse et Isabelle (1966, texte intégral, 2000).

[3Faute de mieux, les adolescentes cinéphiles des années 60 ont éprouvé quelques troubles en voyant Le silence (1963) et Persona (1966) d’Ingmar Bergman ou La religieuse de Jacques Rivette (1965). Puis il y eut les calamiteux Les biches (Claude Chabrol, 1968), Le Renard (Mark Rydell, 1968) et Thérèse et Isabelle (Radley Metzger, 1968), ridicule massacre du fabuleux texte de Violette Leduc. Grâce aux ciné-clubs, elles ont pu voir Jeunes filles en uniforme (1931), chef-d’œuvre de Léontine Sagan, Garbo dans La reine Christine (1933), Olivia (1950), petit bijou d’intelligence et d’humour de Jacqueline Audry, et la première lesbienne explicite de l’histoire du cinéma, la comtesse Geschwitz, dans Loulou (1929) de Georg Wilhelm Pabst.

[4Suzy Solidor (1900-1983), Dany Dauberson (1925-1979), Nicole Louvier (1933-2003), Gribouille (1941-1968).

[5J’emploierai uniquement ici le mot lesbienne, même s’il est anachronique, les lesbiennes de l’époque se disant le plus souvent homosexuelles, voire femmes ; seules les radicales s’approprièrent dès le début le mot lesbienne, entaché par la pensée dominante d’une connotation péjorative. Il s’imposera au cours des décennies suivantes, avec l’acquisition de la légitimité.

[6J’utilise le sigle MLF pour les périodes où le Mouvement de Libération des Femmes était un et indivisible, c’est-à-dire jusqu’en 1979, date à laquelle, l’un de ses courants, le groupe Psychanalyse et Politique (plus connu sous le nom de Psych et Po) dirigé par Antoinette Fouque, créatrice entre autres des éditions Des femmes, s’appropria l’appellation Mouvement de libération des femmes et le sigle MLF en les déposant à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). J’utiliserai « Mouvement des femmes » après 1979.

[7Après avoir codirigé, de 1990 à 1994, la collection Recherches aux éditions Côté-Femmes, Hélène Rouch codirige depuis 1996 la collection Bibliothèque du féminisme chez L’Harmattan. Nombre de chercheuses doivent à son inlassable activité la publication de leurs travaux.

[8Cathy Bernheim, Monique Bourroux, Frédérique Daber, Christine Delphy, Emmanuèle de Lesseps, Christiane Rochefort, Janine Sert, Monique Wittig, Anne Zelinski. Deux Américaines, Julie Dassin et Margaret Stephenson (Namascar Shaktini), étaient restées sur le trottoir.

[9« “Gouines rouges”, c’est ainsi qu’un gauchiste nous a interpellées alors que nous vendions Le Torchon brûle. J’avais trouvé l’appellation poétique et les autres furent du même avis. Pour lui, “Gouines rouges” désignait toutes les féministes, bien sûr » (mail de Christine Delphy). Merci à elle pour ces informations sur la formation des Gouines rouges.

[10Le tract est signé : Des lesbiennes du Mouvement de libération des femmes et du Front homosexuel d’action révolutionnaire.

[11Toutes les lesbiennes n’ont pas choisi le même chemin : certaines se fondent définitivement dans le féminisme ; d’autres militent dans les GLH (groupes de libération homosexuelle), associations homosexuelles mixtes qui se créent à Paris et dans une vingtaine de villes en France entre 1974 et 1979.

[12Voir le passionnant "Chronique d’une passion, Le mouvement de libération des femmes à Lyon", L’Harmattan, 1989.

[13Principalement dans les groupes qui n’étaient pas de la tendance « lutte de classe ».

[14En fait, à la Maison des femmes de Toulouse, l’engagement féministe dominant des militantes (majoritairement lesbiennes) n’a jamais empêché « l’évidence lesbienne » de s’exprimer sans contrainte et régulièrement au fil des 13 numéros de La Lune rousse (1977-1982), journal de la Maison des femmes. La Maison des femmes de Toulouse est une bonne illustration du lesbianisme-rivière souterraine. Quelques exemples : les films à thématique lesbienne réalisés à cette époque ont été quasi tous programmés au ciné-club (non mixte) de la Maison des femmes (1977-1992) : Je, tu, il, elle (Chantal Akerman), Madame X, une souveraine absolue (Ulrike Ottinger), les films expérimentaux de Maria Klonaris et Katerina Thomadaki, Anne Trister (Lea Pool), Le chant des sirènes (Patrizia Rozema), La vierge mécanique (Monika Treut), Simone Barbès ou la vertu (Marie-Claude Treilhou), Double Strength (Barbara Hammer), Le jupon rouge (Geneviève Lefèbvre). Quand le n° 1 de Masques, revue des homosexualités est paru (mai 1979), la Maison des femmes de Toulouse a invité le groupe de lesbiennes qui y participaient pour présenter ladite revue. Je ne pense pas qu’une maison des femmes tenue par des hétéros se serait intéressée à cette (excellente) revue. Autre exemple d’engagement lesbien : un bus a été affrété pour Lyon où une manifestation nationale était organisée (12 décembre 1981) pour soutenir une lesbienne qui risquait de perdre la garde de son enfant. Je suis bien sûre que si nous avions été hétéros, on ne serait jamais allées à cette manif. Et pourtant le tract –très radical–, rédigé à cette occasion, était signé : « Maison des femmes de Toulouse, un lieu du mouvement des femmes ».

[15À Paris, première manifestation spécifiquement homosexuelle, le 25 juin 1977, contre la campagne antigay d’Anita Bryant aux États-Unis, manifestation coorganisée par le MLF et le GLH-Politique et Quotidien ; festivals de films à l’Olympic en 1977 et à la Pagode en 1978, couverts par Libération et Rouge ; à Marseille, première université d’été des homosexualités en 1979.

[16En janvier 1975, les Dossiers de l’écran donnent l’occasion à l’écrivain et journaliste Jean-Louis Bory de se payer la tête du député Mirguet, promoteur en 1960 du classement de l’homosexualité dans les fléaux sociaux au même titre que l’alcoolisme et la prostitution. En 1977, Elula Perrin porte la parole lesbienne dans une émission-débat.

[17La surprise de vivre, Jeanne Galzy (Gallimard, 1969) ; Les bonheurs, Jocelyne François (Mercure de France, 1970) ; Les guérillères (Minuit, 1969), Le corps lesbien (Minuit, 1973) et Brouillon pour un dictionnaire des amantes (Grasset, 1976), Monique Wittig ; Toutes trois, Lisa, Liu, Gro (Seuil, 1975) ; Les femmes préfèrent les femmes, Elula Perrin (Ramsay, 1977) ; Les amantes, Jocelyne François (Mercure de France, 1978) ; En vol (Stock, 1975) et Sita (Stock, 1978), Kate Millett ; Le cahier volé, Régine Deforges (Fayard, 1978) ; Les femmes et l’amour homosexuel, Nella Nobili et Edith Zha (Hachette, 1979) ; Mon frère féminin, Marina Tsvétaïeva (Mercure de France, 1979).

[18Entre autres : Odyssée d’une amazone, Ti Grace Atkinson, 1975, Femme et femme, attitude envers l’homosexualité féminine, Dolores Klaich, 1976, L’encontre, Michèle Causse, 1975 (michele-causse.com), Écrits, voix d’Italie, Michèle Causse et Maryvonne Lapouge, 1977, Douce amère, Gisèle Bienne, 1977.

[19Premier journal lesbien français, à l’initiative du Groupe de lesbiennes du Centre des femmes de Lyon. (7 n°, avril 1978-juin 1980 dont certains rédigés par des collectifs parisiens), tiré à 1 000 puis à 1 500 exemplaires, Quand les femmes s’aiment accède rapidement à une renommée nationale (lesbienne), signe qu’il répondait à un besoin.

[20Désormais, diffusion nationale, juin 1979-janvier 1980, 8 n°. Le titre, racheté par Des femmes, fera une courte réapparition en encart dans Des femmes en mouvement Midi-Pyrénées, 1982.

[21Saint-Ay, près d’Orléans, mai 1977, à l’initiative des lesbiennes des GLH Paris et Orléans.

[22Première coordination des groupes lesbiens, au Centre des femmes de Lyon, à l’initiative du Groupe de lesbiennes, 11 novembre 1978. Il s’agit d’une rencontre nationale « limitée aux groupes de lesbiennes constitués plutôt qu’aux groupes mixtes et aux commissions de femmes sur l’homosexualité » (Chronique d’une passion, 1989), autrement dit les lesbiennes indépendantes des hommes des GLH et des femmes du MLF.

[23Août 1977, Exoudun (Deux-Sèvres) ; juillet 1979, Paussac (Dordogne) ; juillet 1980, Marcevol (Pyrénées-Orientales) ; L’Euzières (Hérault), juin 1981.

[24En France, il y eut peu de concrétisations de cette envie de vivre entre femmes au quotidien, sur une base radicale et écologique, contrairement aux États-Unis et d’autres pays de l’Europe de l’Ouest où, à partir des années 80, se créent des lieux de vie ouverts où passent des centaines de « travelling women » du monde entier. Les rares terres de femmes en France ont été créées par des Allemandes, des Suisses ou des Américaines : Bouichette (Cum des Agals) dans l’Aude (1980-1991), L’Enfumée en Touraine (1984 ?-1989), Korrigyn en Bretagne (1993-1999), Terra en Bourgogne (1993 - zedterra1@yahoo.fr), La Bernède en Ariège (1997-2001). Deux communautés créées en Ariège, l’une en 1989, l’autre en 1991, existent toujours.

[25Je me souviens du choc intellectuel produit sur moi par ce concept : contrainte à l’hétérosexualité. Une telle évidence ! et je n’y avais jamais pensé ! En une seconde, le ça-va-de-soi de l’hétérosexualité volait en éclats et ma légitimité crevait le plafond des 100 % !

[26J’emprunte cette réjouissante expression à « Quelques remarques sur l’homosexualité », signé Sappho l’faire, Genève, décembre 1972, Le Torchon brûle, n° 5, début 1973.

[27Tellement femmes que le mot lesbiennes n’apparaîtra dans les statuts de nombreuses associations lesbiennes créées au début des années 90 qu’après la création de la Coordination Lesbienne Nationale en 1997 ; c’est le cas par exemple pour Bagdam Cafée à Toulouse, Les Immédianes à Amiens, le CEL à Marseille.

[28Claudie Lesselier, « Un itinéraire aux archives lesbiennes », 1992.

[29Dès 1982, un collectif parisien de lesbiennes radicales, Les Feuilles vives, avait commencé un travail d’archivage.

[30À Paris, le collectif de Questions féministes se dissout durant l’été 1980.

[31Entre autres, L’Aquarelle à Lyon (lieu de réunion et cafétéria, 1980), La Lune noire à Strasbourg (lieu de réunion et cafétéria, 1980), L’Échappée belle à Poitiers (cafétéria, mai 1981-juillet 1985), La Douce amère à Marseille (lieu de réunion et cafétéria le vendredi, 1983), Saphonie (association culturelle, Paris, 1984, qui va lancer un groupe santé lesbienne, des cours et stages de mécaniques auto avec des professionnelles lesbiennes, des débats, et en 1987 le ciné-club de Saphonie, « Quand les lesbiennes se font du cinéma », qui deviendra le festival que nous connaissons aujourd’hui.

[32Front des lesbiennes radicales (Paris, 1981-1982)

[33Femmes Entre Elles (Rennes, 1982), MIEL (Mouvement d’information et d’expression des lesbiennes, Paris, 1981-1995). Cette association très active est une des premières à prévoir dans ses statuts la possibilité d’ester en justice pour lutter contre les discriminations à l’égard des lesbiennes. Elle pratique un double militantisme, féministe à la Maison des femmes, homosexuel au sein du CUARH (Comité d’urgence anti-répression homosexuel). Elle est l’auteur d’une enquête, Être lesbienne aujourd’hui, le MIEL enquête, 1988.

[34Les Bénines d’Apie, association de randonnées pédestres, naît en 1984 (et existe toujours ; leur site : lesbenines.org).

[35Les films expérimentaux de Maria Klonaris et Katerina Thomadaki, ceux de l’Américaine Barbara Hammer, Simone Barbès ou la vertu, Marie-Claude Treilhou (1980), Dorian Gray dans le miroir de la presse à sensation, Ulrike Ottinger (Allemagne, 1984), Anne Trister, Lea Pool (Canada, 1986), Le chant des sirènes, Patrizia Rozema (Canada, 1987), Le jupon rouge, Geneviève Lefèbvre (1987), La vierge mécanique, Monika Treut (Allemagne, 1988), Simone, Christine Ehm (1988), Jeanne d’Arc de Mongolie, Ulrike Ottinger (Allemagne, 1989).

[36Romans, biographies, correspondances, ils sont trop nombreux pour les citer tous (plus de cent). Parmi les auteures publiées ou (enfin) traduites : Djuna Barnes, Cathy Bernheim, Mireille Best, Nicole Brossard, Michèle Causse, Hélène Cixous, Régine Deforges, Jocelyne François, Anne Garetta, Elula Perrin, Martine Roffinella, Renée Vivien, Jeanette Winterson, Monique Wittig.

[37Jacqueline Julien, « À Toulouse : du féminisme lesbien au lesbianisme féministe », 2003.

[38Ses buts sont de « renforcer la visibilité et la représentation des lesbiennes dans la société, de faire progresser leurs droits et de favoriser les échanges en réseaux. Elle se veut une force dans le champ politique et social, une affirmation de la citoyenneté lesbienne. » www.coordinationlesbienne.org

[39Je renvoie pour plus de détails sur cette période à mon article « La visibilité lesbienne, it’s a long way », en ligne sur le site de Bagdam Espace lesbien : www.bagdam.org

[40L’association Bagdam Espace lesbien à Toulouse en est un bon exemple. Depuis sa création en 1988 (sous le nom de Bagdam Cafée), Bagdam a mené une politique résolue de visibilité : articles et annonces de certaines de ses manifestations dans la presse locale, référencement dans les guides locaux, nationaux et internationaux, encarts publicitaires, participation à des émissions de radio et de télévision locales et nationales. À partir de 1995, tout en continuant son action de visibilité intérieure en invitant intra-muros les théoriciennes, artistes, auteures et militantes majeures du mouvement, elle met sur pied un partenariat ponctuel mais régulier dans l’année avec certains acteurs culturels de la ville (salles de cinéma, cinémathèque, librairie), qui annoncent les événements Bagdam dans leurs programmes tirés à des dizaines de milliers d’exemplaires. Elle organise le Printemps lesbien de Toulouse depuis 1996, et, depuis 2000, des colloques internationaux d’études lesbiennes (cinq à ce jour), assortis de leurs Actes auto-édités (revue Espace lesbien). Ces colloques et manifestations sont toujours couverts par la presse et la télévision locales et parfois nationales. Enfin, Bagdam a toujours veillé à ce que ses banderoles, lors des marches de la fierté ou autres manifestations soient très lisibles et très visibles

[41Expression empruntée à Jacqueline Julien in « F(emale to L(esbian) : pour quel genre de visibilité ? », 2005, p. 265.

[42Une ladyfest « est un événement non commercial durant plusieurs jours, qui a pour but de rompre avec la domination patriarcho-mâle en musique et en art, en créant un espace public pour l’art queer, transgenre et féministe, et en développant des stratégies contre les mécanismes de répression et d’exclusion régnant dans cette société. L’attaque contre un système qui connaît seulement deux sexes et l’hétérosexualité hégémonique en fait aussi partie. En même temps on essaie d’anéantir la frontière entre productrices et consommatrices de l’art avec le principe diy, do it yourself » (Ladyfest Berne 2007).

[43À Marseille, lors des Universités d’été euroméditerranéennes des homosexualités 2006, des lesbiennes investissent un étage et le nomment « Espace non mixte de lesbiennes et lesbiennes féministes ». Elles disent leur bonheur d’avoir vécu en non-mixité partielle pendant ces UEEH, leurs mots sont l’écho de ceux des femmes et des lesbiennes du Mouvement des femmes : « Beaucoup de rencontres, beaucoup de découvertes, beaucoup de plaisirs, se connaître et se reconnaître, beaucoup de mots qui manquent pour restituer cette richesse et nos bonheurs. Pendant cette semaine, nous avons aussi subi diverses violences politiques. La première, et sans aucun doute la plus violente, est la négation de notre droit d’être ensemble. » Suit l’énumération des multiples intrusions-violations de l’espace lesbien. « Négligences, bêtises de collégiens, non-prise en compte, manque de respect dans l’espace que nous nous sommes approprié, négation de nos droits, les mots manquent pour décrire nos colères, nos rages et nos désarrois. » Fort heureusement, les organisateurs ont salué « l’heureuse initiative » des lesbiennes et décidé de « renforcer la place des lesbiennes pour les prochaines sessions, en veillant à l’équilibre des identités et des genres et au respect de celles-ci ». Le programme des UEEH 2007 comporte des ateliers lesbiens non mixtes et un forum « Féminisme et mixité : les UEEH, rencontre lesbigaytransqueer, comment vivre ensemble ? ».

[44Les panthères roses (Paris) : « Gouines, trans et pédés énervéEs par l’ordre moral, le patriarcat, le sexisme, le racisme, le tout-sécuritaire, les régressions sociales et tout ça. Outil de résistance et composante politique du combat pour une société alternative » ; TaPaGes (Strasbourg) « est un groupe de transpédégouines en colère qui luttent contre toutes les discriminations dont sont victimes les personnes LGBT (lesbiennes/gay/bisexuel(le)s/transgenre), contre l’hétéropatriarcat, et contre l’hétérosexisme. Nous sommes solidaires de combats plus vastes, contre toute forme de discrimination et toute forme d’oppression, ici et partout dans le monde. »

[45En 2005, un article du magazine Oxydo magazine (disparu aujourd’hui), consacré à l’excellent portail lesbien Tasse de thé, se terminait par ces mots : « Allez visiter ce site et soutenez l’association qui depuis 3 ans se défonce pour donner une image positive de l’identité lesbienne et la débarrasser d’un héritage féministe un peu balourd. »

[46Le Groupe du 6 Novembre est « né en France, le 6 novembre 1999, d’une rencontre de lesbiennes dont l’histoire est liée à l’esclavagisme, les colonisations, l’impérialisme, les migrations forcées ».

[47Groupe non mixte de féministes radicales. « Nous tendons à sortir de l’hétérosocialité en apprenant à nous considérer en alliées, et non plus en concurrentes éduquées pour répondre à la demande d’un marché dont les hommes sont les clients et les patrons. Révolution féministe ! » furieuses.melanine.org

[48« Groupe international de lesbiennes féministes et politiques de différentes origines et nationalités. Ce groupe cherche à lutter contre toute forme de racisme et de discrimination au sein de la communauté lesbienne en France et au-delà des frontières. » ldr@no-log.org

[49« AIR-Libre [Association d’Interventions, de Recherches et de Lutte contre la violence dans les relations lesbiennes et à l’égard des lesbiennes] vise à combattre les effets hétérosexistes et lesbophobes de nos sociétés et à dénoncer le système hétérosocial qui les produit. Ainsi, nos champs d’intervention se concentrent aussi bien sur les violences, discriminations et oppressions que vivent les lesbiennes (violences lesbophobes, rejet familial, difficulté à se construire une identité lesbienne positive, etc.) que sur les violences dans les relations lesbiennes. » air-libre.org

[50« Organisé principalement par des femmes (mais les garçons motivés sont les bienvenus) pour mettre en avant le travail des artistes féminines indépendantes, le Ladyfest Bordeaux proposera des performances d’artistes, des concerts, des projections, des ateliers, des conférences… Le Ladyfest Bordeaux rejoint un mouvement mondial valorisant les projets féminins et queers dans les domaines artistique et activiste. Le principe est simple : un groupe de volontaires se rejoint et prépare un festival de 3 jours autour des thèmes tels que la créativité, la diversité, la promotion de l’égalité entre les sexes et la lutte contre l’hétéronormalité. C’est également l’opportunité de bâtir une communauté, susciter des discussions et des collaborations parmi les femmes et le réseau associatif local et international. Les Ladyfest reposent sur l’idée de créer un espace alternatif, amical, ouvert où les gens peuvent venir ensemble, s’amuser et célébrer la diversité et la place des femmes dans l’Art » (site ladyfest Bordeaux 2008)

[51Il est troublant de constater que pornographiées par les hommes, les lesbiennes se pornographient désormais elles-mêmes, en réaction à la négation de la sexualité lesbienne en hétéroland. La levée du tabou est peut-être à ce prix, mais vivement que ça passe !

[52« Poète, guerrière, mère, lesbienne, noire », selon ses propres termes, l’Américaine Audre Lorde (1934-1992) est l’une des auteures qui a le plus stimulé le mouvement féministe et lesbien aux États-Unis puis en Europe. Lire, entre autres, Sister Outsider, essais et propos d’Audre Lorde sur la poésie, l’érotisme, le racisme, le sexisme…, 2003. Plusieurs colloques lui ont été consacrés, dont L’attualità del pensiero di Audre Lorde, organisé par Fuoricampo Lesbian Group, Bologne, 2006, fuoricampo.net


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