Les LGBT antillais

jeudi 10 octobre 2013
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Les spécificités des LGBT aux Antilles

La situation des LGBT Martiniquais pourrait être comparable à celle des LGBT des villages et régions isolées et conservatrices, sur le continent. Le coming out est particulièrement difficile aux Antilles et comporte d’importants risques d’altération des réseaux dans lesquels évoluent des LGBT (famille, amis, travail, voisinage). Les mineurs sont particulièrement exposés, car ils ne disposent pas de structure d’accueil en cas de rejet familial, et souffrent régulièrement de harcèlement à l’école une fois leur orientation et/ou identité sexuelle connue ou soupçonnée.

La situation insulaire des LGBT Martiniquais est toutefois plus critique que celle des hexagonaux isolés. Sur le continent, les LGBT des villages reculés peuvent en effet avoir régulièrement accès aux réseaux de sociabilité LGBT des agglomérations de leurs régions respectives, voire de la capitale. Les LGBT martiniquais quant à eux ne peuvent se réfugier nulle part dans l’anonymat. Celui-ci ne prend forme que dans l’exil ou la clandestinité.

L’ostracisme et le phénomène du placard poussent de nombreux LGBT à quitter jeunes la Martinique pour l’hexagone en quête d’un lieu où ils pourraient vivre librement leur orientation et/ou leur identité sexuelle. Ces départs peuvent être l’accomplissement d’un projet universitaire ou professionnel. D’autres partent à la recherche d’un cade de vie accueillant, sans projet professionnel, sans soutien familial, ce qui mène assez souvent à des drames humains (précarité, abandon familial, addictions, prostitution).

Les LGBT ayant réalisé leur coming out peuvent aussi être amenés à quitter l’île suite à des agressions physiques et/ou verbales, ou suite à la dégradation profonde de leurs relations avec leurs différents réseaux.

La couleur de la peau des victimes d’homophobie joue un rôle important, pas forcément dans l’intensité, mais surtout dans les motivations politiques de la violence. Les LGBT noirs sont rejetés par les Antillais homophobes comme étant des déviants, des pervers, potentiellement dangereux pour l’équilibre et la reproduction de la société, ou encore comme étant des individus acculturés, non respectueux de traditions et de valeurs dites martiniquaises.

Les LGBT blancs sont quant à eux identifiés comme la source d’une supposée expansion du phénomène homosexuel en Martinique. L’homophobie à leur encontre tient davantage du repli identitaire et de la xénophobie. Ils sont directement ou indirectement désignés responsables de l’orientation homosexuelle des noirs LGBT.

La religion n’est pas la cause de l’homophobie particulière aux Antilles françaises, mais elle alimente les discours discriminatoires. Les textes religieux sont utilisés par les homophobes comme prétexte pour légitimer le rejet des personnes non hétérosexuelles. Le développement de congrégations religieuses évangélistes, pentecôtistes et aussi bobo-shantis ayant un discours ouvertement hostile à la diversité sexuelle alimente amplement quant à lui la légitimité symbolique des comportements homophobes.

Dans le cadre des manifestations relatives au Mariage pour tous, les associations affiliées aux églises chrétiennes martiniquaises se sont amplement mobilisées contre le projet de loi, avec un discours très dogmatique, qui s’appuyait plus sur les textes sacrés que sur des arguments laïcs. Une fois affilié à la « manif pour tous », le mouvement s’est cependant rapproché des discours nationaux (adoption, PMA, GPA, amalgame avec polygamie et pédophilie…).

Toutes les personnalités politiques qui ont pris publiquement parti au sujet du mariage pour tous étaient opposées au projet de loi, et la plupart utilisaient des arguments religieux et culturels pour justifier leur opposition, allant jusqu’à plaider pour une spécificité antillaise qui empêcherait l’application de cette loi sur notre territoire.

Quelques personnalités politiques d’envergure ont cependant pris position en faveur de ce projet de loi à la veille du vote au Parlement, mais elles n’ont pas manifesté publiquement leur adhésion.

Les politiques gouvernementales s’appliquent aux Antilles. C’est sur le terrain que l’on rencontre des freins à leur mise en œuvre. Les agents de l’État n’adhèrent pas a priori aux projets de lutte contre l’homophobie ou d’enseignement sur le genre, et il faut parfois sauter des barrières personnelles pour accélérer le processus. D’une manière générale, la loi existe et les directives sont suivies. Mais l’une et l’autre sont mal connues, très peu diffusées. Les victimes ne connaissent pas bien leurs droits, n’osent pas porter plainte de crainte de la double peine (sortie du placard forcée). Ce phénomène existe aussi sur l’hexagone, mais est renforcé par la situation insulaire, et par l’absence de véritable association de soutien des LGBT. Le renforcement de Kap Caraïbe au cours des derniers mois est en ce sens un signal positif.

Marianne Pairraut

Sources :

  • Nadia CHONVILLE, Homophobie aux Antilles : Persistance d’une discrimination dans un contexte postcolonial, Mémoire de Bachelor, Sciences Po Grenoble, 2010
  • Nadia CHONVILLE, Résistance de l’homophobie à Puebla : analyse des facteurs de persistance des atteintes aux droits et à la dignité des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuel(le)s dans l’État de Puebla, Mexique, Mémoire de Master 2, Sciences Po Grenoble, 2012
  • Nadia CHONVILLE, Analyse de l’apprentissage de l’hétéronormativité dans les institutions éducatives en Martinique, Thèse de doctorat en cours, UAG, 2013…
  • Nadia CHONVILLE, « La Démocratie laïque à l’épreuve : limite du débat sur la Mariage pour tous en Martinique », Février 2013

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