Du féminisme à la critique du système hétérosexuel : itinéraire politique et théorique

samedi 16 juin 2012
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"Du féminisme à la critique du système hétérosexuel : itinéraire politique et théorique"

Natacha Chetcuti [1]

L’année de célébration des 40 ans du MLF et son articulation avec les théories issues du lesbianisme est le moment de penser aux lieux de la transmission. Quels liens entre les mouvements de pensées des années 1970/1980 et ceux d’aujourd’hui ? Comment les savoirs critiques à travers le média générationnel se diffusent d’une génération politique à l’autre ? Si l’apport des féminismes a été celle de la contestation des rapports de domination hommes/femmes, l’apport du lesbianisme politique a été celui de la critique de l’hétérosexualité définie comme régime politique. Quel a été le lieu de la transmission de ces avancées conceptuelles pour les générations des années 1990 ? Quelles transmissions pour quelles pratiques ?

Quand l’une des organisatrices de ce colloque, Marie-Josèphe Devillers, m’a contactée la première fois pour me demander de participer à cette journée, elle m’a proposé d’expliquer comment j’étais devenue "lesbienne féministe". Sans doute pour échapper à mon défaut bien connu d’une trop grande abstraction théorique et donner ainsi plus de "chair" à mon propos. Tout en comprenant l’enjeu politique de la demande de Marie-Josèphe Devillers et des organisatrices du colloque, je n’avais pas non plus envie de m’adonner à une narration qui ne présente pas pour moi beaucoup d’intérêt sinon celui de flatter mon narcissisme…

J’ai donc décidé de mettre en perspective mon parcours universitaire et politique, dans la mesure où c’est dans ces deux lieux que je suis "née" et même que je me suis émancipée ; et ce pour évoquer un phénomène plus large, qui est celui des lieux de transmissions féministes et lesbiens pour la génération à laquelle j’appartiens : les 30-40 ans, ou plutôt les 35-45 ans.

D’entrée de jeu, je dois préciser que je conteste l’utilisation abusive du terme de "génération", à tout le moins entendu au sens de l’âge. En effet, si des formes contemporaines dans les priorités ou les hiérarchisations des luttes se détachent en fonction des époques, il existe des courants de pensée qui traversent les époques (par exemple, l’égalitarisme : la lutte en faveur de droits égaux entre femmes et hommes d’un point de vue féministe, ou le "réformisme égalitariste" des droits en termes de luttes LGBTQ). On ne peut donc pas situer l’analyse seulement au niveau d’un groupe d’âge ou d’une même génération, mais il faut bien plutôt prendre en considération les confrontations politiques qui rassemblent des personnes d’âges différents, en fonction d’un partage de contextes idéologiques et sociaux, ce qui me conduit à parler de "générations politiques".

En outre, ne parler de génération qu’en termes d’âge sert à nourrir l’anti-féminisme et l’idée que le féminisme ou le lesbianisme politique seraient dépassés. Je pense, au contraire, que l’on ne peut pas éviter l’analyse des spécificités qui ont construit le lesbianisme féministe de certaines d’entre nous issues d’une génération d’âge commune.

De la transmission à l’université à l’élaboration d’une construction politique et théorique

Donc, comment je suis devenue féministe et lesbienne, ou plutôt lesbienne politique ? Encore une fois, sans parler au nom d’une génération, mais plutôt au titre du partage d’expériences communes, je crois que ce qui spécifie notre génération -en tout cas pour certaines d’entre nous-, c’est que, contrairement à toutes les trajectoires qui caractérisent les années 1970-1980, l’acquisition d’une conscience critique en tant que femme, puis en tant que lesbienne s’est développée, dans un premier temps, non pas dans une mise en œuvre collective, mais par la lecture de certains textes dans un espace qui n’est a priori pas celui du lesbianisme politique ou du féminisme : je veux dire l’université. Pour ma part, c’est en 1997 lors de ma deuxième année de Deug (L2) et plus précisément en 1998, l’année de ma licence (L3) -j’avais alors 27 ans- que j’ai découvert des articles qui ont été fondateurs dans ma construction : "Identité sexuelle/sexuée/de sexe ? Trois modes de conceptualisation du rapport entre sexe et genre" (1989/1991), de Nicole-Claude Mathieu, "Le Corps Construit" (1992) de Colette Guillaumin et "La pensée Straight" (1980/2001) et "On ne naît pas femme" (1980/2001) de Monique Wittig. Évidemment, ces textes entraient en résonance avec des préoccupations subjectives et politiques, profondes et lointainement enracinées, qui étaient : mais qu’est ce qu’une femme ? Comment devient-on une femme ? Et puis, c’est aussi l’époque où je me posais un certain nombre de questions sur l’hétérosexualité et le lesbianisme. Bien qu’ayant commencé par vivre des relations avec des femmes, j’ai tout de même frayé pendant six années avec l’hétérosexualité (sans doute est-ce un des effets de la contrainte à l’hétérosexualité). Ces textes ont eu sur moi des effets réellement émancipateurs dans la mesure aussi où ils m’ont permis d’entrer en contact avec des groupes sur Toulouse (dont Bagdam Cafée [2]), puis -et surtout- avec des auteurs et des militantes du mouvement lesbien politique et/ou radical lors d’une rencontre à l’Ambassade du Canada en 1998 [3], laquelle a marqué pour moi un vrai tournant épistémologique, mais également dans le mode de vie et les pratiques affectives et amoureuses.

Ces théoriciennes ont incarné la force d’une pensée critique et féministe lesbienne. C’est dans cette lignée des savoirs et apprentissages que je me suis construite en tant que sociologue et lesbienne, à partir de confrontations aussi bien théoriques que méthodologiques, lesquelles m’ont permis de constituer un savoir réflexif sans pour autant perdre de vue que la pensée est toujours dépendante des idéologies ambiantes et des contextes socio-politiques.

La recherche, en tout cas dans cette lignée des savoirs politiques, ne peut pas faire l’économie d’une critique des rapports de pouvoir et de domination. C’est à partir de cette conscience que l’on peut alors comprendre pourquoi on travaille sur tel ou tel sujet, d’où l’on pense et ainsi garder une visée critique quant à notre place à l’intérieur même de la production des savoirs.

Je crois que si le passage à l’université a tellement compté pour certaines d’entre nous, c’est parce qu’il a été un vrai lieu de transmission. D’ailleurs, je voudrais m’arrêter un moment sur cette question de la transmission. Car on entend, et de manière récurrente, une critique à l’égard des "anciennes du féminisme", et inversement à l’égard des "plus jeunes du féminisme", les unes se trouvant accusées de ne pas transmettre, les autres de ne plus être assez politiques et révolutionnaires. Je crois qu’il y a eu transmission, ne serait-ce que par les textes produits (on pourrait évoquer les questions de diffusion, mais c’est un autre débat) : en tout cas les textes et les pensées existent bel et bien et il suffit de s’en emparer. Quant à la transmission des pratiques politiques, des images [4], des vidéos [5] existent, et je crois qu’il revient à chaque génération de construire le présent de ses actions en fonction des contextes socio-politiques du moment. Pour répondre à la critique inverse, je crois aussi qu’il n’y a pas une seule vérité, une unique interprétation puis appropriation possible des textes, de l’histoire et donc du présent à construire. Les formes de lutte changent en fonction des époques et c’est aussi cela qui marque la continuité d’un mouvement en train de se faire. L’histoire n’est pas duplicable, elle s’adapte aux préoccupations des époques et au présent des luttes.

Je voudrais insister sur la notion de transmission, car il me semble que cette notion est un acte féministe et/ou lesbien. En effet, si l’on entend par transmission la propagation (transmission de la mémoire), la diffusion de savoirs théorisés (conscience critique de la domination masculine et de l’hétérosexisme), de pratiques collectives (et non pas d’un "savoir-faire" qui renvoie à l’ordre domestique) -de femmes à d’autres femmes (ou de lesbiennes à d’autres lesbiennes)-, il s’agit alors bien d’un acte politique, lequel s’oppose à une transmission culturelle qui s’appuierait sur une référence commune : le marquage androcentré. Se poser la question de la transmission des féminismes et du lesbianisme revient donc à s’interroger sur ce qui constitue les formes de conscience et de solidarité des dominées, lesquelles s’opposent à l’universalisme abstrait caractéristique de la société des dominants qui s’illustre par : il n’y pas de sexe, donc pas de problème de sexisme, comme il n’y a pas de race donc pas de problème de racisme ou encore, il n’y a pas de discriminations sur la base du lesbianisme (ou sur celle de l’orientation sexuelle), la sexualité est une affaire intime et tout le monde est libre de son "choix". Autrement dit, transmettre est une manière de contrecarrer l’une des formes de pouvoir qui est constituée par l’arraisonnement de l’universel par une catégorie très spécifique de la population : les hommes blancs, et dans l’hétérosexualité comme système social.

Alors pourquoi une telle transmission à l’Université ? Cela semble un paradoxe pour un lieu qui a été et continue d’être taxé de façonner les esprits dans le sens d’un consensus normatif. À l’époque, dans les années 1990, nous avions la chance d’avoir de vrais lieux de transmission et d’apprentissage critique féministes. Ces équipes de recherche et d’enseignement ont été créées à la suite du colloque "Femmes, féminisme, recherche" organisé à Toulouse en 1982, qui a été suivi d’une "Action thématique programmée" (ATP) du CNRS (Rouch, 2001/2009). Pour ma part, ayant fait mes études jusqu’au DEA (Master 2 recherche) à l’Université de Toulouse-Le Mirail, j’ai eu ainsi la possibilité de me former aux savoirs critiques dès le début de mon parcours universitaire. Sur ce point, je voudrais rendre hommage à celle qui a été la fondatrice de l’équipe Simone à Toulouse, devenu quelques années après sa création en 1986 "Simone-SAGESSE [6]" : je pense à l’historienne Marie-France Brive. Cet espace d’enseignement et de recherche a constitué pour celles et ceux qui y ont été formés un vrai lieu de transmission, mais aussi d’apprentissage critique et enfin, en ce qui me concerne, il aura constitué le lieu de mon émancipation "identitaire". Aujourd’hui, avec la réforme des universités, la plupart de ces équipes soit ont disparu, soit deviennent l’un des axes de départements, d’unité de recherches ou d’enseignements et la plupart des "jeunes" chercheuses/chercheurs se forment souvent sur le tard, à l’arrivée en Master [7].


De la prise de conscience à l’autonomination

L’ensemble des lectures que j’ai pu ainsi solliciter m’a conduite à travailler lors de mon doctorat d’anthropologie sociale [8] sur la catégorisation comme opérateur politique et critique des normes, voire du système hétérosexuel. Dans l’écriture du livre qui rend compte de ce travail : Se dire lesbienne, ce qui a été essentiel pour moi c’est d’affirmer une posture critique tant à l’égard des champs de savoir que j’ai pu convoquer, qu’à celui de mes propres groupes d’appartenance et d’ouvrir ainsi un champ de recherche qui jusqu’ici avait été peu pris en compte en sciences humaines. Si, pour certains chercheurs, l’exercice critique de la pensée a consisté à sortir de la pensée majoritaire, pour ma part (et/ou au contraire) j’ai voulu extraire quelque chose de la minorité, à partir d’un point de vue minoritaire en tant que femme et d’une appartenance au groupe social que sont les lesbiennes. "Aude sapere", si l’on retient la devise kantienne qui inaugure la sortie de la minorité (Ose le savoir ) !

Les termes utilisés pour se nommer permettent non seulement de comprendre les différentes constructions du lesbianisme mobilisées par les lesbiennes, mais également de ressaisir la place du lesbianisme au sein de la sexualité humaine, que ce soit du point de vue des lesbiennes ou de celui des personnes hétérosexuelles (en tant que groupe témoin de la norme). C’est pourquoi j’ai donné pour titre à mon livre : Se dire lesbienne. Car travailler sur les modes d’autonomination permet d’appréhender le processus par lequel toutes les lesbiennes passent pour se dire et permet donc de comprendre comment les lesbiennes se pensent et se construisent dans le système politique qu’est l’hétérosexualité. Sans nécessairement qu’elles en aient conscience, les termes mêmes que les lesbiennes emploient pour se nommer s’inscrivent dans une histoire des luttes et dans une transmission qui n’est pas toujours consciente. C’est pourquoi il me semble qu’aujourd’hui, dans le contexte de glissement sémantique où la mobilité vers la dite "démocratie sexuelle", par exemple, voudrait effacer, dans une fable illusoire, les rapports de pouvoir, ou pire encore de domination, la question de la nomination proprement dite et des processus de catégorisation me semble pertinente pour ressaisir, dans le contexte contemporain, la force des rapports sociaux au sein d’un régime de savoir et de pouvoir : celui de l’hétérosexualité. C’est à ce sens de l’objet, qui mêle subjectivation et objectivation du politique, que la transmission des savoirs critiques lesbiens et féministes m’a amenée, et c’est de cela que je me sens héritière.

Bibliographie

BRIVE Marie-France, "Les Résistantes et la Résistance", Clio, numéro 1-1995, Résistances et Libérations France 1940-1945, [En ligne], mis en ligne le 01 janvier 2005. URL : http://clio.revues.org/index515.html.

CHETCUTI Natacha, Se dire lesbienne : mode de vie en couple, sexualité et représentation de soi, Paris, Payot, 2010.

GUILLAUMIN Colette, 1981, "Femmes et théories de la société : remarques sur les effets théoriques de la colère des opprimées", Sociologie et Sociétés, vol. XII, n° 2 [réédition dans Sexe, race et pratique du pouvoir, Paris, Côté-femmes, 1992, p. 219-239].

GUILLAUMIN Colette, "Le corps construit", dans Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de Nature, Paris, Côté-femmes, 1992, p. 117-142.
LAROCHE Martine, LARROUY Michèle, Mouvements de presse des années 1970 à nos jours, luttes féministes et lesbiennes, Paris, ARCL, 2009.

MATHIEU Nicole-Claude, "Identité sexuelle/sexuée/de sexe ? Trois modes de conceptualisation du rapport entre sexe et genre", dans L’anatomie politique. Catégorisations et idéologies du sexe, Paris, Côté-femmes, 1991, p. 227-266 [première publication dans Anne-Marie Daune-Richard, Marie-Claude Hurtig, Marie-France Pichevin (dir.), Catégorisation de sexe et constructions scientifiques, Aix-en-Provence, Université de Provence, 1989, p. 109-147].

ROUCHHélène, "L’Action Thématique Programmée “Recherches sur les femmes et recherches féministes”", Genre, sexualité & société [En ligne], n° 1 | Printemps 2009, mis en ligne le 02 juillet 2009, URL : http://gss.revues.org/index373.html [1ère publication : Rouch Hélène, "Recherches sur les femmes et recherches féministes : l’Action Thématique Programmée du CNRS", in Basch Françoise (dir.), Vingt-cinq ans d’études féministes l’expérience Jussieu, Paris, Collections du CEDREF, 2001.]

WITTIG Monique, "Paradigmes", dans La pensée straight, Paris, Balland, 2001, p. 101-109.

WITTIG Monique, "The Category of Sex", Feminist Issues 2, n° 2, printemps 1982. Ce texte a sans doute, dans un premier temps, fait l’objet d’une communication à Berkeley en 1976. "Berkeley, 1976" est en effet mentionné à la fin de l’article paru dans Feminist Issues. Paru en français dans La pensée straight, Paris, Balland, 2001, p. 65-76.

WITTIG Monique, 1980, "La pensée straight", Questions féministes, n° 7, février 1980, p. 45‑53, réédition dans La pensée straight, Paris, Balland, 2001, p. 65-76.

WITTIG Monique, 1980, "On ne naît pas femme", Questions féministes, n° 8, p. 75-84, réédition dans La pensée straight, Paris, Balland, 2001, p. 51-64.

WITTIG Monique, "Le corps lesbien", Paris, Minuit, 1973.


[1Natacha Chetcuti, sociologue, docteur en anthropologie sociale (EHESS), chercheur à l’INSERM dans l’équipe "Genre, santé sexuelle et reproductive". Enseigne à l’Université Paris-1 Panthéon Sorbonne. Depuis 2007 membre du comité de rédaction de la revue Les Cahiers du Cedref et depuis 2008 membre du comité de rédaction de la revue électronique Genre, sexualité et société, http://gss.revues.org/index87.html
Vient de publier : Se dire lesbienne, vie de couple, sexualité et représentation de soi, Payot, 2010. Elle a également publié plusieurs articles traitant de l’usage de la catégorisation de sexe/genre, des enjeux épistémologiques des féminismes, voir entre autres : 2009, "De “On ne naît pas femme” … à “On n’est pas femme” De Simone de Beauvoir à Monique Wittig", Genre, sexualité et société, n°1, http://gss.revues.org/index477.html. Et elle a co-dirigé des ouvrages dont celui avec Claire Michard, Lesbianisme et féminisme, histoires politiques, Coll. Bibliothèque du féminisme, Paris, L’Harmattan, 2003.

[2Voir dans cet ouvrage l’article de Brigitte Boucheron : "Toulouse, Bagdam Espace : Lesbien première langue"

[3Voir AHLA, Dossier Fiertés Juin 1998, n° 25, Paris, Ed AHLA, Mars 1999.

[4Voir : Laroche Martine, Larrouy Michèle, Mouvements de presse des années 1970 à nos jours, luttes féministes et lesbiennes, Paris, ARCL, 2009.

[5Voir entre autres, le site de Télédebout : http://teledebout.org/ et des Vidéobstinées : http://www.lesvideobstinees.org/. Voir aussi le Centre d’archives audiovisuel Centre Simone de Beauvoir à Paris : http://centre-simone-de-beauvoir.com/qui-sommes-nous/objectifs_actions.html

[7Depuis l’année 2010-2011 Sciences-Po propose un cycle de formation sur le genre ; voir aussi à l’Université Paris 8 Vincennes-St Denis, au Département de Sociologie, et à l’Université Paris 7 Denis Diderot les formations proposées par le CEDREF en Sciences Humaines et Sociales. Tous ces exemples ne sont pas exhaustifs et ne concernent que Paris et sa région, mais il existe aussi d’autres formations dans d’autres universités à Paris et en région

[8Voir Natacha Chetcuti, « Normes socio-sexuelles et lesbianisme : Définition de soi, catégories de sexe/genre et script sexuel », Thèse d’anthropologie sociale, sous la dir. de Marie-Élisabeth Handman, soutenue le 18 décembre 2008 à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales, Paris). Jury composé de : Marie-Elisabeth Handman, Michel Bozon, Paola Bacchetta, Eric Fassin et Michèle Ferrand.


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