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vendredi 2 mars 2012
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FATIMA, COLLECTIF DES HOMOS SANS PAPIERS

Entretien réalisé par Claudie Lesselier, 21 décembre 1998, Paris, RAJFIRE, brochure n°1, janvier 1999, pp. 41-43

Claudie : tu as obtenu récemment une carte de séjour. Comment as-tu réussi ? As-tu vécu longtemps en France avant d’obtenir tes papiers ?

Fatima : je suis venue en France en 1980. Je n’arrêtais pas de faire la navette entre le Maroc et la France, et depuis 1990, je n’ai plus quitté la France.

A quel moment as-tu commencé les démarches pour avoir les papiers ? tu as fais cela seule ou avec un groupe de sans-papiers ?

J’ai déposé ma demande après la sortie de la circulaire de régularisation, en 1997, et j’ai eu un refus de la Préfecture ; j’ai fais deux recours, et toujours des refus. Entre-temps, j’avais contacté le Collectif des homos sans papiers et j’ai déposé un autre dossier, directement au Ministère, en rajoutant ma vie de couple avec Véronique.`

Cet élément a été selon toi déterminant ?

Oui, c’est sûr ! C’était grâce à ça !

Mais des couples de même sexe ne sont pas légalement reconnus...

Ils ne les reconnaissent pas ouvertement, mais officieusement oui. J’ai déposé ce dossier en juillet et j’ai eu une réponse positive à peine deux mois après. J’avais mis dans le dossier une lettre de Véronique, comme quoi on vit ensemble depuis 1990, des lettres d’amis qui nous connaissent, des témoignages, on a fait des photocopies de photos, avec la date.

La durée aussi a peut être joué ?

Non je ne crois pas, car je connais des couples qui ne sont ensemble que depuis 3 ou 4 ans qui ont été régularisés aussi.

Durant tout ton séjour en France avant d’avoir ces papiers, est-ce que tu avais pu trouver un emploi ?

J’ai eu des emplois, plusieurs même, mais je ne suis pas restée très longtemps, parce que c’était mal payé, c’était... Je travaillais dans des restaurants, des bars, j’ai fait des gardes d’enfants une fois, j’ai fait aussi du nettoyage...

Tu a pris la décision de quitter le Maroc il y a longtemps ? et pourquoi ?

Je crois depuis toujours, depuis que j’ai commencé un peu à réfléchir... depuis que j’étais très jeune, je voulais quitter le Maroc...

C’était quel aspect de la vie marocaine qui te déplaisait surtout ? la situation des femmes ou d’autres raisons ?

Oui entre autres, mais aussi la politique, la vie politique là-bas...

Et tu n’a pas eu de difficultés pour venir en France ?

La première fois que je suis venue, en 1980, on n’était pas obligés d’avoir un visa. Chaque fois que je suis retournée au Maroc c’était parce que ma famille me manquait. Quand j’étais là-bas j’avais envie de revenir ici, quand j’étais ici, il y avait ma famille qui me manquait et j’avais envie d’aller la voir.. J’ai pris la décision de vivre en France en 1986. A partir de cette date, il fallait un visa. Je me suis inscrite dans une école pour avoir le droit de séjourner comme étudiante. C’était une école privée, payante, et on m’a refusé le droit de travailler. En fait je n’ai pas beaucoup travaillé...

Est-ce que tu penses que la difficulté de vivre son homosexualité au Maroc, cela a joué un rôle dans ta décision de quitter ce pays ?

Je crois que oui. Parce que là bas on n’a rien pour les homosexuels, on n’a pas de bars, de boite, rien...

En France le milieu homo et lesbien t’a paru accueillant, notamment pour les étrangères ?

Oui je crois, je n’ai jamais eu de problèmes, je me sens à l’aise.

Pendant que tu étais sans papiers, est-ce que cela t’est arrivée d’être contrôlée par la police ?

Une seule fois, à la gare de l’Est, en 1986, pendant les attentats. J’étais avec ma cousine, et elle a dit que j’étais en vacances, j’ai dit que j’avais perdu mon passeport... Il semble que les filles sont moins contrôlées que les garçons... En fait je n’ai pas trop souffert de ma situation, j’ai une cousine qui m’a beaucoup aidé. Et ensuite j’ai rencontré Véro.

Cette cousine vivait en France en situation régulière ?

Oui. Et j’ai d’autres personnes de ma famille en France, mais c’est elle vraiment qui m’a aidée.

Quand as-tu connu le Collectif des homos sans papiers ?

En juin, peu de temps après sa création. J’étais passée au Centre gai et lesbien, j’ai parlé avec Anne et Marine, et elles m’ont donné le numéro de téléphone de Lionel et je l’ai appelé...

Tu a l’intention de continuer à militer dans le cadre du Collectif des homos sans papiers et de l’association, l’ARDHIS ? et comment tu vois le futur ?

Bien sûr que je vais continuer. J’ai beaucoup d’espoir, on a eu pas mal de réponses positives dernièrement. Pour les couples, ça va mieux. Pour les célibataires, je ne sais pas...

Ils et elles se heurtent toujours à des refus...

Oui. Je ne connais aucun célibataire (si on peut dire ainsi) homosexuel, qui a été régularisé.

Que faudrait-il faire maintenant ?

C’est la question qu’on se pose... A mon avis il faut reprendre contact, contacter les responsables au ministère de l’intérieur, leur expliquer encore les problèmes... Il faut pas se laisser faire. Ce n’est pas parce qu’on a pas de papiers qu’il faut prendre n’importe quel travail, se laisser maltraiter... Il faut se bouger davantage.

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