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vendredi 2 mars 2012
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Droits des lesbiennes : État des lieux

Marianne Schulz, Collectif national pour les droits des femmes, Assises nationales pour les droits des femmes, 15-16 mars 1997, publié dans : En avant toutes !Les Assises nationales pour les droits des femmes, Paris, Le temps des cerises, 1998, pp. 247-250

Juridiquement, revendiquer des droits en tant que lesbiennes ne signifie pas grand chose car les droits ne sont pas indivisibles : ils se rattachent au dispositif général de protection des Droits de l’Homme (au sens générique du terme bien sûr) et découlent soit de ce qu’on appelle communément et improprement « droits des femmes », soit des droits des « personnes homosexuelles », même si le traitement de l’homosexualité féminine par le droit mérite un éclairage particulier.

Dans le fond, nos revendications portent davantage sur le terrain social, où il reste beaucoup de terrain à conquérir pour être traitées à égalité avec les gais : il suffit pour s’en convaincre d’ouvrir n’importe quel article ou dossier consacré à l’homosexualité par la presse générale : la question n’est abordée que sous l’angle masculin, via la « culture gaie », le marché économique que représentent les gais, les figures de la communauté gaie... Les dossiers consacrés rituellement par l’Évènement du Jeudi avant chaque Lesbian & gay pride sont à ce titre caricaturaux : en 1996, la couverture montrait un stéréotype de mâle body‑buildé digne des grandes heures des Village People et titrait « Le pouvoir homo », le terme même de lesbienne n’étant cité que deux fois ; en 1997, on parle de « la vague gay », la mixité du « phénomène homosexuel » s’exprimant à travers un malheureux témoignage. Dans le domaine scientifique, les études et recherches consacrées à l’homosexualité sont massivement centrées sur les gais : de la psychanalyse aux récents travaux génétiques de Simon Le Vay, qui aurait découvert un gène de l’homosexualité masculine, de l’anthropologie à la sociologie... les écrits en France sur les femmes aimant d’autres femmes se font rares, sont alors occultés, voire inexistants dans certaines disciplines.

Car les lesbiennes doivent se battre pour exister, être reconnues à part entière sur deux fronts, cumulant deux « handicaps » majeurs dans une société encore marquée par le schéma patriarcal : d’une part en étant femme, d’autre part en étant homosexuelle. L’objectif à atteindre, c’est le respect de notre différence et l’inscription de celle‑ci dans une double dynamique égalitaire (hommes/femmes, hétéros/homos) tant juridique ‑beaucoup d’instruments existent déjà‑ que sociale, par une évolution radicale des mentalités dont l’aboutissement sera non l’abolition des différences mais l’émergence d’une société respectueuse de celles‑ci, permettant une véritable égalité sociale entre l’homme et la femme par l’abandon de toute référence au système patriarcal. encore fondateur de l’ordre social.

La lesbienne est une femme !

À ce titre, un certain nombre de nos revendications s’inscrivent dans la perspective de l’amélioration des droits reconnus aux femmes. Si la notion même de droits des femmes est relativement récente (après la seconde guerre mondiale), c’est parce que la perspective universaliste des droits de l’Homme a été construite à partir d’un modèle dominant : celui de l’homme hétérosexuel et « bon père de famille », blanc, de classe moyenne ou supérieure et catholique, puisque c’est ce stéréotype qui a eu le pouvoir de définir les concepts fondateurs de la république. Dès lors, l’universalisme des droits ne devient qu’une fiction, une utopie juridique au service du plus fort : tous ceux et toutes celles qui ne correspondent pas à ce modèle sont rejetés, sans pour autant constituer une « minorité », cette notion étant juridiquement entendue sur le seul critère ethnique.

Des instruments juridiques existent...

La conquête de l’égalité juridique entre hommes et femmes n’est pas un combat nouveau, et s’est traduit par un certain nombre d’acquis sur le plan des principes. En 50 ans, des pans entiers du droit ont été refondus, battant en brèche le système patriarcal établi depuis des siècles avec pour piliers de l’asservissement des femmes l’incapacité juridique de la femme mariée, l’inexistence de droits politiques au profit de toutes les femmes, le déni de la sexualité féminine en dehors de sa finalité reproductive. On ne s’étendra pas ici sur les acquis du droit de la famille entre 1965 et 1975 ; l’inégalité de la femme dans le mariage a été gommée dans les textes, consacrant l’émancipation juridique de la femme mariée (égalité dans les régimes matrimoniaux, suppression de la possibilité pour le mari de s’opposer à ce que sa femme exerce une activité professionnelle, définition de l’adultère mettant sur un pied d’égalité l’adultère du mari et celui de la femme, divorce par consentement mutuel... ). Seul le divorce pour faute peut encore être considéré comme un instrument typique de la protection de la femme, considérée comme la partie faible, en permettant à la femme trompée d’obtenir le divorce et de quoi subvenir à ses besoins par le mécanisme de la prestation compensatoire, qui fonctionne quasiment à sens unique (rarement attribuée à un homme). L’égalité par rapport aux droits sur les enfants date des années 70 par le remplacement de la puissance paternelle par la notion d’autorité parentale, la suppression progressive de la référence au « bon père de famille » héritée du code napoléonien ; depuis 1993, l’exercice de l’autorité parentale conjointe devient le principe en cas de divorce et entre concubins (sous réserve de certaines conditions). Si le principe d’égalité a fait irruption tardivement dans le droit français à partir de l’obtention du droit de vote des femmes, à la Libération, après les rudes combats menés par les militantes dans les années d’avant-guerre, le bouleversement issu de mai 1968 et la libération sexuelle donneront un nouveau souffle, le combat politique égalitaire portant désormais aussi sur la sphère privée, intime des relations hommes femmes.

L’émergence de principes constitutionnels et ses limites

En 1946, le préambule de la constitution de la IVe République s’attache à compléter les droits individualistes proclamés par la Déclaration Des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHQ de 1789 par des droits économiques et sociaux ; ainsi, le principe d’égalité entre homme et femme est reconnu comme premier des principes : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».

Il faudra attendre la Vème République pour que ce principe acquiert valeur constitutionnelle, le plaçant ainsi au sommet de la hiérarchie des normes juridiques, depuis la célèbre décision du 16 juillet 1971 rendue par le Conseil Constitutionnel : en estimant que la liberté d’association constituait un principe fondamental issu du préambule de la constitution, le Conseil donnait valeur constitutionnelle à l’ensemble des dispositions auxquelles se réfère le préambule. Désormais, toute loi votée par le parlement qui ne respecte pas les droits fondamentaux reconnus par les textes de 1789 ou de 1946, ou un principe fondamental défini par le conseil Constitutionnel, encourt la censure du juge constitutionnel.

Depuis cette décision, si le Conseil n’a jamais eu à se prononcer directement sur l’égalité homme femme, il a pu définir de nouveaux principes ayant valeur constitutionnelle, auxquels la loi ne peut déroger. Ainsi, en 1975, lors de la saisine parlementaire suite au vote de la loi Veil sur l’avortement, il a affirmé dans le contexte houleux des débats que la loi ne portait atteinte ni au principe de liberté, ni à celui du respect de tout être humain, ni au droit pour l’enfant à la protection de sa santé, consacrant de facto le droit pour la femme à la libre disposition de son corps, même si la motivation ne fait pas explicitement référence à cette notion (décision 54 DC du 15 janvier 1975).

C’est donc le conseil, qui, au gré des saisines, peut définir de nouveaux principes qu’ il élève au rang des principes fondamentaux ; jusqu’à présent, aucune décision n’a consacré le libre choix sexuel ou le droit à l’orientation sexuelle. En 1981, le conseil a validé la discrimination pénale frappant l’acte impudique ou contre nature selon qu’il est hétérosexuel (majorité fixée à 15 ans) ou homosexuel (les actes commis sur des mineurs de moins de 18 ans étant alors répréhensibles), estimant que la loi peut établir une différenciation valable entre « agissements de nature différente », validant ainsi la distinction entre actes homosexuels ou hétérosexuels. Les requérants arguaient en outre qu’il y avait rupture de l’égalité entre homme et femme car « les auteurs de tels actes étant toujours des hommes, le fait que n’existent de sanctions particulières de l’acte impudique ou contre nature que quand il est d’ordre homosexuel les inciterait à ne commettre de tels actes qu’avec les mineures, lesquels ne seraient pas sanctionnés ». Ce deuxième argument sera lui aussi écarté, au motif que l’auteur du délit encoure la même sanction, qu’il soit de sexe masculin ou féminin ! (décision 127 DC des 19 et 20 janvier 1981).

L’évolution quant à la protection contre les discriminations est venue de la législation pénale adoptée postérieurement à cette décision.

Les discriminations sanctionnées en droit pénal

L’arsenal juridique anti-discrimination est apparu en 1972 lorsque fut posé pour la première fois le principe de l’interdiction des discriminations raciales et la possibilité de faire sanctionner de tels actes par la justice pénale. Depuis, la liste des discriminations reconnues a été considérablement étendue, pour englober « le sexe » ou « les mœurs » (article 225.1 du Code pénal). Selon l’article 225.2, la discrimination est passible de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende lorsqu’elle consiste à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service, à entraver l’exercice d’une activité économique quelconque, refuser d’embaucher. sanctionner ou licencier une personne..., qu’elle soit l’œuvre d’une personne physique ou morale, privée ou publique (article 432.7 pour les discriminations commises par les administrations).

Si un tel texte constitue une avancée juridique incontestable, il montre d’emblée ses limites : le principe n’est pas reconnu constitutionnellement, et sa mise en œuvre concrète se heurte à des difficultés de preuves quasi insurmontables : comment prouver que si vous n’avez pas été embauchée c’est parce que vous êtes une femme, ou qu’un appartement vous a été refusé parce que vous formez un couple de femmes ?

La définition même comporte des limites, puisque les propos injurieux non publics ne constituent pas dans une telle définition une discrimination, relevant alors de la sanction de l’injure simple, la loi ne réprimant sévèrement dans l’état actuel du droit que l’injure raciale ; se faire traiter de « salope » ou de « sale gouine » est passible de la sanction pénale la plus faible (contravention de première classe, 250 F d’amende, article R. 621‑2 du code pénal), alors que « sale juive » sera passible d’une contravention de la quatrième classe. À l’heure où les propos des leaders du Front national font vivement réagir les hautes sphères politiques sur l’amélioration du dispositif répressif, ne serait‑il pas opportun d’étendre la protection contre les propos injurieux à toutes les situations définies par l’article 225.1 du code pénal ?

Le principe de l’égalité professionnelle

Le principe de l’égalité professionnelle hommes‑femmes a été posé par une directive européenne de 1976 qui a contraint le législateur à modifier la législation pour la rendre conforme au droit communautaire.

Désormais, l’interdiction de discriminer dans la vie professionnelle selon le sexe, l’état de grossesse (article L. 122.25) ou les mœurs est inscrit dans le code du travail aux articles L 123.1 pour l’embauche, L. 122.45 pour les sanctions ou licenciements et L140.2 pour la rémunération. Pour un même travail, l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre hommes et femmes, et en cas de litige, c’est à l’employeur d’apporter au juge les éléments de nature à justifier l’inégalité de rémunération ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Les offres d’emploi, sauf cas précis rigoureusement définis ne peuvent faire figurer le sexe ou la situation familiale dans le profil du poste recherché.

Le harcèlement sexuel fait l’objet d’une définition et d’une protection particulières (article L.122.46), puisqu’il donne lieu à des sanctions pénales (un an d’emprisonnement et/ou une amende de 25 000 F).

La mise en œuvre de ces principes se heurte encore à de sérieuses difficultés : quelle victime de harcèlement osera porter plainte contre son supérieur, tant qu’elle fait partie de l’entreprise ? À ce jour, et en raison des difficultés de preuve, seule une décision faisant application du principe de discrimination selon l’orientation sexuelle a été rendue par la Cour de cassation en 1991 ; l’affaire concernait le licenciement d’un sacristain au motif de son homosexualité, considérée comme incompatible avec les principes de la foi catholique, argument rejeté par la Cour dès lors que ses agissements relevaient de sa vie privée et n’avaient pas causé de trouble au sein de l’établissement.

Mais de nombreuses zones d’ombre subsistent.

En droit international

Si les instruments internationaux de protection des droits de l’homme consacrent l’égalité entre hommes et femmes, leur valeur est en général d’ordre symbolique, sans possibilité de recours à l’encontre de l’État fautif. Seule la Cour européenne des droits de l’Homme peut être saisie sur la base de la violation par un État membre (du conseil de l’Europe) des dispositions de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, et en particulier de son article 14 qui interdit les discriminations basées entre autres sur le sexe. De nombreuses résolutions émanant aussi bien du Conseil de l’Europe que du Parlement européen ont réaffirmé constamment cette exigence d’égalité, montrant à quel point un tel principe ne constitue pas une évidence même au sein des démocraties occidentales.

Il est frappant de constater qu’aucune des grandes déclarations de droits ne comprend à ce jour le principe du droit au libre choix sexuel ou la protection contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle. Plusieurs tentatives, en 1981 et au début des années 1990, d’amendement de la Convention européenne pour ajouter à la liste des discriminations définies à l’article 14 « l’orientation sexuelle » se sont révélées vaines.

Un pas symbolique est franchi avec le traité d’Amsterdam adopté par la conférence intergouvernementale de juin 1997 : en développant un volet sur les droits fondamentaux dans lequel figure l’orientation sexuelle (article 6 A du projet de traité), la notion est pour la première fois consacrée par un texte supra national, même si le libre choix sexuel et la libre disposition de son corps n’y figurent as. Cependant, avant qu’une telle disposition puisse acquérir valeur juridique, il faudra attendre d’une part la ratification du traité par les États membres et la transposition de cet article dans l’ordre juridique communautaire sous forme de directive ou de règlement. C’est seulement à ce moment que les États pratiquant des discriminations, pourront être éventuellement sanctionnés.

Et les droits des célibataires ?

L’inégalité juridique, hier au détriment de la femme mariée, frappée d’incapacité juridique totale, s’exerce aujourd’hui à l’encontre de la femme célibataire, en particulier lorsqu’il s’agit de reconnaître le droit d’accès des célibataires aux techniques de procréation médicalement assistée (PMA) et à l’adoption.

Dans les deux cas, il s’agit de créer une filiation pour partie fictive, avec une nuance d’importance : dans un cas, l’enfant est artificiellement fabriqué, et le législateur encadre alors les conditions permettant d’avoir accès à ces techniques selon les critères qu’il détermine (lois bioéthiques). Dans l’autre, il s’agit de donner un ou des parents à un enfant déjà né, et non l’inverse. La philosophie générale qui découle de ces mécanismes est de faire valoir le droit de l’enfant à l’épanouissement, selon des critères déterminés par ceux qui font les textes et les appliquent au quotidien. Le concept de « droit à l’enfant » n’ayant aucune existence juridique.

Les textes de base applicables à ces deux mécanismes sont en parfaite contradiction, quant aux personnes à qui ils s’appliquent : la réforme de l’adoption de 1966 a apporté une innovation considérable, en autorisant l’adoption par une personne célibataire. Près de 30 ans plus tard, la loi bioéthique du 29 juillet 1994, en encadrant strictement le champ d’ application des techniques de PMA aux seuls couples hétérosexuels et stériles ( art L 152‑2 du Code de la santé publique), consacre ainsi un retour en arrière considérable.

Outre des considérations d’ordre moral qui ont pu dicter ce choix ou l’interprétation sous‑jacente de l’intérêt de l’enfant, la finalité de la PMA, ‑remédier à la stérilité pathologique d’un couple hétérosexuel‑ exclue de facto les célibataires et les couples de lesbiennes. Selon le rapport MATTEI (La vie en questions : pour une éthique biomédicale, rapport au premier ministre ; La documentation française, 1994), cette exclusion se justifie par le fait « que, dans la mesure du possible, un enfant doit avoir un père et une mère, ni plus ni moins ». Il ne semble pas qu’elle (la société) puisse avaliser la pratique de l’IAD (insémination artificielle avec donneur) pour des femmes seules ou pour des couples de femmes homosexuelles .. Les demandes de convenances personnelles s’écartant du domaine médical pour entrer dans le champ social sont donc déclarées non conformes, ni à l’esprit des méthodes, ni à l’objectif médical, ni à l’idée que la société peut se faire de son intervention dans un semblable domaine (p 86 du rapport précipité).

La réforme de 1966 ayant permis l’adoption unilatérale constitue indéniablement une révolution juridique : la famille mono parentale était reconnue par le droit, qui, une fois n’est pas coutume en matière de mœurs, anticipait l’évolution de la société. L’esprit autant que la lettre de la loi permettent la création du lien juridique sur une seule lignée, quels que soient le statut ou les mœurs (la loi étant muette sur ce point), dès lors que le demandeur remplit les critères légaux d’épanouissement de l’enfant.

Cependant, plusieurs obstacles rendent en pratique difficile l’adoption d’enfant par une célibataire : le nombre d’enfants juridiquement adoptables est nettement inférieur au nombre de candidats, l’administration privilégie les demandes émanant de couples hétérosexuels présentant une stabilité affective, sociale et financière, en raison de l’intérêt supérieur de l’enfant qui commande, selon cette logique, qu’il ait deux parents, plutôt qu’un. Les tendances homosexuelles du demandeur peuvent motiver le refus de l’agrément préalable obligatoire pour toute procédure d’adoption. Le Conseil d’État, dans une décision du 9 octobre 1996, a validé, par une argumentation plus empreinte de préjugés homophobes que de considérations d’ordre strictement juridiques le refus d’agrément, risquant de compromettre à l’avenir toute tentative d’adoption par une personne homosexuelle. Il est vrai que cette décision concernait un homosexuel célibataire masculin, l’administration et les juges semblant plus enclins à confier un enfant en adoption plénière à une célibataire de sexe féminin, mais aucune décision n’a, à ce jour, porté sur la demande d’une lesbienne.

Nous demandons donc que l’accès de ces mécanismes soit garanti à toutes les femmes, quel que soit leur statut matrimonial ou leur orientation sexuelle.

Au delà du droit, la nécessaire évolution des mentalités

Peu à peu, la fonction du droit consiste à gommer les discriminations en inscrivant l’égalité entre hommes et femmes comme principe fondamental applicable dans tous les domaines du droit. Cependant, le droit ne peut pas tout faire : il ne changera pas un macho en féministe, ni une femme soumise, conditionnée dans son rôle subalterne, en militante de la cause des femmes parce que la loi aura promu l’égalité des sexes.

Tour un travail « éducatif » est à entreprendre, la pression doit être maintenue, et pas seulement vis à vis des hommes : certaines femmes utilisent leur pouvoir pour maintenir d’autres femmes dans leur condition (cf. les rédactrices des magazines féminins qui cantonnent leurs lectrices dans la mode, la cuisine, les hommes et les enfants, les auteures de romans à l’eau de rose style Barbara Cartland... ). La publicité nous donne tous les jours l’exemple lénifiant de femmes enfermées soit dans leur rôle de mère vantant les mérite de telle lessive capable de venir à bout des multiples taches faites par les rejetons, soit de godiches enamourées préparant de bons petits plats pour leur homme, ou encore reléguées au rang de potiches, d’accessoires valorisant n’importe quel produit.

Si les textes ont posé le principe de l’égalité, chacune sait bien que les femmes sont sous représentées en politique, que l’égalité professionnelle est en pratique une chimère, les écarts de salaires entre hommes et femmes pouvant aller jusqu’à 1/3 selon le niveau de qualification (ce qui pose avec une acuité particulière la question du pouvoir d’achat des couples de lesbiennes, nettement inférieur aux couples hétéros. Les couples gais ayant quant à eux des revenus largement supérieurs à la moyenne, faisant d’eux la nouvelle cible privilégiée des annonceurs).

La lesbienne est homosexuelle !

Sans entrer dans le débat autour de la signification politique des termes employés, une lesbienne est au sens de la définition du Larousse une personne « qui éprouve une attirance sexuelle pour les personnes de son sexe ». Ainsi perçue on pourrait penser que ses combats rejoignent ceux des gais, dans une communauté de destin et d’intérêts. Pourtant, il est nécessaire de nuancer : longtemps occultée même comme sujet de droit, niée dans son existence et ses choix, la lesbienne n’a que peu d’existence juridique intrinsèque.

Si aujourd’hui, grâce aux fruits de la révolution féministe des années 70, elle peut affirmer plus ouvertement ses choix et revendications, ce n’est pas forcément sur le même terrain et dans le même esprit que les gais. Car elle doit encore se battre contre les structures patriarcales, ce qui l’écarte du mouvement gai dans lequel elle ne trouve pas toujours une place où elle peut être entendue.

L’invisibilité juridique des lesbiennes

Le droit, qui a longtemps nié l’existence juridique de la femme en tant que sujet de droit autonome, a occulté d’autant plus les lesbiennes. Parce que la reconnaissance du lesbianisme bouleverse les schémas ancestraux de notre société en remettant en cause le pouvoir sexuel de l’homme et la finalité reproductrice de là sexualité féminine, celui‑ci fait l’objet d’une bienveillance du droit qui s’apparente au déni de cette sexualité, qui est loin de faire l’objet d’un traitement juridique équivalent à celui qu’on accorde à l’homosexualité masculine.

L’absence de répression des relations homosexuelles féminines

Il est frappant de constater que la plupart des législations réprimant l’homosexualité omettent de mentionner l’homosexualité féminine, consacrant ainsi une discrimination positive envers celle‑ci, qui, comme toute discrimination, entraîne des effets pervers, à savoir la négation même de cette sexualité qui nous poursuit encore aujourd’hui.

Si le code pénal napoléonien ne prévoyait pas de sanction de l’acte homosexuel, à la différence de nombreux autres pays, la répression s’est tout de même exercée par l’utilisation des mécanismes de droit commun, qui ont permis de sanctionner plus sévèrement les « actes contre nature » lorsqu’ils étaient homosexuels. L’étude de la jurisprudence montre que seules les relations entre hommes ont été ainsi réprimées. Jean Danet, dans son ouvrage « Discours juridique et perversions » ne mentionne qu’une décision concernant une lesbienne ; et l’auteur relève que pour les mêmes pratiques « impudiques » la femme qui avait corrompu plusieurs mineures se voit condamnée à 3 mois de prison, alors qu’en parallèle un homme qui n’avait détourné qu’un seul mineur se voit condamné à 2 ans avec sursis. Toujours selon Danet, l’absence de répression de l’homosexualité féminine par le corps judiciaire s’expliquerait par l’efficacité des mécanismes coercitifs familiaux d’enfermement des femmes lesbiennes dans le mariage. Aujourd’hui encore, les condamnations d’actes homosexuels ne concernent que des hommes, le détournement d’une adolescente de moins de 15 ans par une femme étant inconcevable !

À l’étranger, l’exemple britannique constitue l’exemple le plus frappant lorsque fut discutée la loi réprimant les relations homosexuelles entre adultes consentants en 1861, la question se posa de savoir s’il fallait englober l’homosexualité féminine, ce qui valut à la reine Victoria de prononcer la phrase désormais célèbre : mais pourquoi sanctionner, puisque de telles relations n’existent pas. La loi fut donc formulée en ces termes : « Encourt la réclusion criminelle à vie toute personne reconnue coupable de l’abominable crime de « buggery », qu’elle l’ait perpétré avec un semblable (sodomie) ou avec un animal (bestialité) ». A priori, la formulation à toute personne ne semblerait pas exclure les femmes, bien qu’il soit difficile d’envisager l’acte de sodomie entre femmes ; un texte de 1885 précisa donc le champ d’application de l’acte d’indécence grave accompli par toute personne de sexe masculin avec un autre homme.

Encore aujourd’hui, de nombreuses législations ne pénalisent que l’homosexualité masculine, par la définition même de l’infraction qui exclut de facto les relations inter féminines : dans la plupart des cas, c’est l’acte de sodomie qui est interdit et passible de sanction, et non l’acte homosexuel en tant que tel (Chypre, nombreux États fédérés aux États‑Unis).

C’est donc toujours autour du sexe masculin que s’organise le discours et la répression des « perversions sexuelles », l’apothéose étant atteinte avec la définition autrefois retenue par l’Organisation Mondiale de la santé du lesbianisme comme la « sodomie entre femmes » ‑ (Troubles mentaux, n° 302.0).

Un traitement juridique de l’épouse/mère homosexuelle semble accréditer cette thèse. L’étude des décisions de justice récentes en matière de divorce mettant en cause l’homosexualité d’un des parents semble aller dans le même sens. Les juges sont dans l’ensemble beaucoup plus cléments envers l’homosexualité féminine qu’ils perçoivent plus difficilement comme une faute constitutive d’une injure grave justifiant le prononcé du divorce aux torts de l’épouse. Ainsi, en 1991, la Cour de cassation estimait que l’homosexualité alléguée par le mari (la femme embrassant amoureusement une autre femme) et prouvée par des témoignages, ne constituait pas une violation suffisamment grave des obligations du mariage alors que dans une autre affaire jugée en 1990, le comportement du mari était injurieux envers l’épouse, alors même que les attestations produites par l’épouse n’établissaient pas l’existence de relations homosexuelles du mari. En 1996, la Cour d’appel de Bordeaux prononçait le divorce aux torts exclusifs du mari, celui‑ci entretenant une relation sentimentale avec un autre homme, alors que 10 ans auparavant, la Cour de Poitiers déboutait le mari qui invoquait les sentiments purement intellectuels de sa femme pour une autre femme, de tels sentiments ne pouvant rendre intolérable le maintien de la vie commune.

Si la simple présomption d’homosexualité du mari constitue généralement une faute d’une gravité suffisante pour entraîner le prononcé du divorce à ses torts, il faut, lorsqu’elle émane de fa femme, qu’elle s’accompagne d’autres éléments, qui constituent alors la cause déterminante (abandon du domicile conjugal par exemple).

Une visibilité affirmée dans des combats parfois différents de ceux des gais

La reconnaissance de l’individualité par l’inscription du droit à l’orientation sexuelle ou au libre choix sexuel dans toutes les déclarations de droits constitue l’essence même du combat spécifique des lesbiennes, afin que soit enfin reconnue l’autonomie sexuelle de la femme. Elle seule permettra de casser les structures patriarcales assises, entre autres, sur la domination sexuelle de l’homme.

Les revendications communes à celles des gais concernent le couple et la famille. même si la place des lesbiennes est beaucoup plus en retrait, comme si l’enjeu du couple n’était pas aussi essentiel. Dans la lutte pour la reconnaissance du lien homosexuel et sa traduction juridique, concubinage, contrat d’union sociale. statut spécifique ou mariage, la parole des lesbiennes est quasiment inexistante, celles‑ci ne s’étant pas prononcées de manière ferme et argumentée pour cette forme de lien.

L’enjeu du couple

L’urgence de protéger le lien amoureux unissant deux personnes de même sexe est indéniablement lié à l’épidémie de Sida, qui a mis en lumière de façon dramatique les conséquences de ce vide juridique et a fait de la reconnaissance du couple le symbole même de la lutte des gais pour l’égalité : compagnon exclu de la chambre d’hôpital ou des funérailles car ne faisant pas partie des proches. exclusion du logement commun si le bail était au nom du défunt, spoliation des biens communs par la famille en l’absence de testament... la liste est longue et malheureusement toujours d’actualité.

La Cour de cassation, en définissant en 1989 l’union hors mariage comme l’union calquée sur le mariage, a donc strictement limité les effets juridiques du concubinage aux seuls concubins hétérosexuels, légitimant ainsi toutes les discriminations dont sont victimes les couples de même sexe (pas de droit au bail, possibilités d’affiliation à la sécurité sociale discriminatoires, refus de certains avantages fiscaux, exclusion des avantages issus du droit du travail, sauf exception, difficultés pour se faire admettre comme proche face à la maladie, au décès...).

Au delà de ces discriminations qui ne touchent que les couples de même sexe. les droits issus du concubinage sont insuffisants, et ne correspondent pas à la réalité sociale d’aujourd’hui : aucun droit successoral n’est reconnu, et l’héritage du concubin est taxé à 60 % en cas de testament, le concubin étranger ne bénéficie d’aucun droit de séjour, pour ne citer que les situations les plus délicates. On pourra toujours rétorquer que les hétérosexuels ont toujours la possibilité de se marier, les plaçant ainsi dans une situation plus favorable. Certes, mais le concubinage constitue aujourd’hui un phénomène d’une telle ampleur qu’on ne peut pas faire l’économie du débat sur la définition et les droits générés par cet état de fait.

Quel est le positionnement des lesbiennes dans ce combat, dont elles semblent plus éloignées, étant certes moins concernées par les situations extrêmes liées au VIH ? Leur conception du couple et la reconnaissance juridique et sociale de celui‑ci s’inscrit‑elle dans la même perspective que les gais ?

Veulent‑elles que leur lien affectif soit reconnu par une réforme législative dont l’enjeu se limiterait au concubinage ou souhaitent‑elles aller plus loin dans la voie de la reconnaissance par l’inscription du lien dans un statut juridique consacrant la solennité de l’engagement ?

De cette question découlent quatre possibilités pour inscrire juridiquement le couple formé par deux personnes de même sexe.

Le concubinage

L’enjeu est d’obtenir une définition légale englobant les concubins de même sexe et à en faire découler certains droits élémentaires, tout en restant dans une situation de fait exclusive de tour statut formel, l’essence et l’intérêt du concubinage résultant de sa souplesse et de la liberté des partenaires...

Les droits élémentaires qui devraient en découler automatiquement dans cette optique concernent le droit au transfert de bail, certains droits extra patrimoniaux (reconnaissance des droits de la partenaire en cas d’hospitalisation ou de décès, statut de la compagne étrangère ... ) et la possibilité de faire de la partenaire une héritière dans des conditions moins prohibitives.

Le contrat d’union sociale

Ce contrat est devenu aujourd’hui l’emblème du combat des gais pour la reconnaissance de leur couple, et la revendication d’un tel statut constitue une spécificité française, que seule la Belgique semble vouloir imiter. Le principe de ce contrat est d’être accessible à tous les « couples » ayant un projet commun de vie, que ce projet comporte ou non une dimension amoureuse, (sauf certaines exclusions familiales), afin de l’inscrire dans la tradition française qui privilégie l’intégration par l’universalisme à la reconnaissance spécifique des communautés. La reconnaissance du lien affectif entre deux personnes de même sexe se trouve ainsi diluée dans un magma qui assimile dans un même statut les couples hétéros et homos aux cohabitants, aux personnes âgées ou toute autre « paire » soucieuse de créer une solidarité. C’est de la manifestation expresse de volonté des parties, empreinte d’une solennité certaine (enregistrement devant un officier d’état civil), que découlent les droits et obligations des contractants, aussi bien entre eux que vis à vis des tiers. Ces effets sont tous calqués sur le mariage, dont ce contrat se rapproche au point que certains analystes y voient un « quasi mariage », sauf en matière de procréation la prudence face un tel enjeu commandant le mutisme complet.

Le statut spécifique aux couples de même sexe

Il s’agirait alors de transposer le modèle en vigueur dans les pays nordiques ; tous les pays qui reconnaissent le couple de même sexe ont choisi la voie du statut spécifique aux partenariats homosexuels équivalent au mariage quant à ses conditions de formation (sauf l’exigence qu’un des partenaires soit ressortissant du pays afin d’éviter l’afflux des demandes) et de dissolution, et dans ses effets de droits entre les partenaires et vis à vis des tiers. Seuls sont exclus les effets juridiques en droit international (ces partenariats n’ont aucune valeur dans les autres États) et l’accès pour le couple à l’adoption et aux techniques de PMA.

Une telle revendication est quasiment absente du débat français, au nom du sacro‑saint principe républicain de l’intégration par l’universalisme que heurte cette vision « communautariste ».

Le mariage

Le droit au mariage, assorti de toutes les conséquences en matière de procréation, constitue la revendication ultime de ce combat égalitaire qui semble émerger ces derniers mois, notamment suite aux prises de position de AIDES et du Centre Gai et Lesbien en sa faveur. Le mariage ayant été historiquement l’institution patriarcale par excellence, enfermant les femmes dans une situation d’infériorité et de dépendance, les lesbiennes peuvent‑elles s’associer à une telle revendication ou doivent‑elles revendiquer le droit à la parentalité dans un autre contexte ? Toutes ces questions méritent d’être approfondies afin de trancher le débat en un positionnement clair et argumenté.

L’ enjeu de la famille

{}es droits des mères lesbiennes divorcées

Il semble, d’après la jurisprudence récente, que les mères lesbiennes ont moins de difficultés à obtenir la garde de leurs jeunes enfants que les pères gais à obtenir un droit de visite et d’hébergement, sans doute parce qu’une mère lesbienne est avant tout une mère ; la mère l’emportant au nom de sa fonction sociale d’éducation des enfants, nonobstant les mœurs de la femme qui sont appréciées avec beaucoup plus de clémence que pour les pères gais.

Ainsi, constatant par exemple que l’homosexualité de la mère est stable et assumée (TGI Lyon, 14 février 1996), ou que la confrontation de l’enfant au couple homosexuel de sa mère est inévitable (Cour d’appel, Angers, 22 mai 1996), les juges fixent la résidence des enfants chez celle‑ci. Toujours en 1996, la Cour d’appel de Paris supprimait le droit d’hébergement et limitait le droit de visite au père, l’enfant risquant d’être gravement perturbé par l’homosexualité de celui‑ci qui vit en concubinage.

Il n’en reste pas moins que toutes les décisions ne vont pas dans ce sens, et que des mères peuvent se voir retirer leurs enfants du fait de leur homosexualité ; nous estimons que l’orientation sexuelle doit être sans conséquence sur l’exercice des droits des mères lesbiennes sur leurs enfants en cas de divorce (autorité parentale, fixation de la résidence de l’enfant chez sa mère...).

Le droit à la vie familiale

Au delà de l’accès à l’adoption et aux techniques de PMA pour les lesbiennes célibataires sans que le choix sexuel soit un obstacle insurmontable, des droits doivent être reconnus au couple.

Au minimum, un statut juridique créateur de droits et d’obligations au profit de la compagne de la mère, lorsque la filiation n’est établie qu’unilatéralement doit être mis en place, lui permettant de bénéficier de l’autorité parentale ou de devenir automatiquement tutrice en cas de décès, même en l’absence de manifestation de volonté de la mère en ce sens. Pour les enfants du divorce, le vide juridique actuel, qui concerne aussi les foyers recomposés, doit être comblé : la compagne doit pouvoir, en cas de décès de la mère, obtenir au moins un droit de visite et d’hébergement, en tant que parent social de l’enfant.

Le couple lesbien doit lui même être revendiqué comme faisant partie intégrante du droit à la vie familiale protégée par la Convention européenne des Droits de l’Homme : ceci permettrait de mettre un terme aux expulsions des compagnes étrangères qui ne se voient reconnaître aucun droit de séjour dans le cadre de la législation existante, ou même à venir.

L’enjeu de la sexualité

Au delà du droit, le lesbianisme doit être reconnu comme un désir, une sexualité et un amour à part entière, et non comme un fantasme érotique ! Nous demandons donc :

‑ Une formation spécifique des médecins et en particulier des gynécologues. Encore aujourd’hui, lors des études de médecine, l’homosexualité, si elle est traitée, l’est au titre des perversions sexuelles, et seule l’homosexualité masculine est abordée.

‑ Le développement des études sur les lesbiennes et le Sida. A ce jour, aucune enquête épidémiologique digne de ce nom n’a été réalisée sur la vulnérabilité des lesbiennes au VIH. Or, un certain nombre de lesbiennes sont touchées, sans qu’il soit impossible d’en évaluer le nombre, puisqu’elles ne sont pas répertoriées en tant que lesbiennes, leur contamination provenant dans la grande majorité des cas d’un autre facteur. Ces lesbiennes souffrent d’exclusion à plus d’un titre : d’une part, par une vulnérabilité sociale mise en évidence par Brigitte Lhomond, d’autre part elles ne trouvent pas leur place dans les structures existantes.

Souvent marginalisées au sein de la communauté lesbienne, car atteintes par le VIH et contaminées par un mode « politiquement incorrect » (en général toxicomanie ou bisexualité qui sont en soi des facteurs d’exclusion), elles ne se retrouvent pas non plus dans les associations de lutte contre le Sida, n’étant ni dans la problématique des gais, ni dans celle des femmes hétérosexuelles atteintes.

Enfin, elles sont souvent incomprises par les soignants qui ne savent comment les accompagner psychologiquement ou les conseiller sur leurs pratiques sexuelles. les risques encourus et les moyens de protéger la partenaire.

En guise de conclusion, notre combat ne se limite pas à cette double revendication égalitaire (homme/femme, hétéro/homo), et s inscrit dans la perspective du renforcement des libertés individuelles, pour le droit à la dignité et l’identité des personnes dans le respect leur différence.

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lundi 2 mars 2020

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